L’étude présentée par Safouane Ben Aissa, consultant auprès de l’IACE, lors de la 9ᵉ édition du Tunisia Economic Forum le 18 septembre 2025, a révélé le potentiel du tourisme tunisien à l’horizon 2030. Selon le scénario ambitieux élaboré par l’équipe, les recettes touristiques pourraient dépasser 13 milliards de dinars, soit une part de 25% générée par cinq segments stratégiques: le tourisme senior, le tourisme de santé, le tourisme rural, le tourisme locatif et le tourisme haut de gamme.
Au-delà des recettes, l’impact socioéconomique est significatif. Le secteur pourrait créer jusqu’à 32 000 à 33 000 emplois additionnels et générer 612 millions de dinars en TVA, sans compter d’autres retombées fiscales, telles que l’impôt sur le revenu des retraités étrangers résidant en Tunisie ou encore la taxe de séjour. Ces chiffres traduisent un potentiel de diversification et de désaisonnalisation capable de repositionner le tourisme tunisien comme secteur stratégique de l’économie.
Trois scénarios ont été étudiés. Le premier, dit conservateur, suppose un statu quo, avec une croissance limitée et la persistance des lacunes actuelles. Le deuxième, qualifié de central, projette un développement linéaire basé sur le renforcement du balnéaire et du tourisme de santé, pour atteindre environ 12 milliards de dinars en 2030. Enfin, le scénario ambitieux, reposant sur des politiques publiques claires et une collaboration renforcée avec le secteur privé, permettrait d’atteindre le seuil des 13 milliards, soit plus de 3 milliards de dinars additionnels par rapport au scénario de base.
L’étude met en avant le fait que certains segments, notamment le locatif, fonctionnent aujourd’hui largement dans l’informel, représentant une perte fiscale et une distorsion de concurrence. Le consultant a rappelé l’exemple de la France, où Airbnb a été contraint de transmettre toutes ses données fiscales aux autorités. En Tunisie, une meilleure régulation pourrait transformer ce marché en levier puissant de recettes pour l’État.
Le tourisme senior, ciblant une clientèle européenne retraitée, reste également inexploité, alors qu’il présente une forte demande, particulièrement en hiver et au printemps. Le tourisme de santé, déjà reconnu pour son rapport qualité-prix, requiert une veille stratégique et un encadrement réglementaire pour capter davantage de patients étrangers. Quant au tourisme rural et aux hôtels-boutiques, ils offrent des perspectives de valorisation du patrimoine et de rééquilibrage régional, mais nécessitent un cadre fiscal incitatif.
Safouane Ben Aissa a insisté sur la nécessité de doter la Tunisie d’une véritable veille stratégique. Actuellement, les données sont fragmentaires et ne permettent pas de suivre correctement l’évolution des concurrents ni des tendances mondiales. «Nous ne sommes pas encore outillés pour monter une vision stratégique solide dans le secteur», a-t-il averti, appelant à la mise en place d’un tableau de bord national et à une meilleure concertation entre acteurs publics et privés.
Cette étude de l’IACE souligne que la structuration de nouveaux segments représente non seulement une opportunité de croissance économique mais aussi un moyen de positionner durablement la Tunisie sur l’échiquier mondial du tourisme.