Lorsque l’économie est morose, les ménages deviennent prudents et constituent ce qu’on appelle une épargne de précaution. Face à l’incertitude sur l’avenir, qui peut aller d’une baisse de revenus à la perte d’emploi, ils peuvent réduire leurs dépenses et épargner davantage pour se protéger. C’est effectivement ce que nous sommes en train d’observer en Tunisie ces dernières années. Les chiffres de la première moitié de l’année le prouvent.
Fin juin 2025, l’épargne bancaire s’est établie à 35 461 Mtnd, une hausse de 1 157 Mtnd par rapport à décembre 2024. À cela, il faut ajouter celle postale, qui totalise 10 944 Mtnd, également en appréciation de 420 Mtnd sur la même période. Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi les dépôts à terme et les autres produits financiers qui abritent 19 214 Mtnd, soit 822 Mtnd de plus qu’à la fin de l’année précédente. Les agents économiques sont en train de mettre de l’argent de côté, presque 2 400 Mtnd en six mois.
Tout cet argent devrait normalement financer l’investissement et soutenir la croissance. Pourtant, ce n’est pas le cas actuellement. Il joue plutôt un rôle de stabilisateur économique, ayant permis au pays de résister aux chocs liés à l’assèchement des sources de financement externes. Aujourd’hui, alors que la situation macroéconomique s’est partiellement améliorée, il est temps qu’une partie de cette “épargne de guerre” soit réorientée vers le secteur productif. Toutefois, cela reste conditionné par la demande intérieure, qui manque de catalyseurs solides. En l’absence de perspectives claires, les acteurs économiques préfèrent continuer à constituer de l’épargne, dans l’attente de jours meilleurs. Nous sommes ainsi enfermés dans un cercle vicieux: l’absence de demande freine l’investissement, et l’absence d’investissement bride la reprise de la demande. Un cycle que nous n’arrivons toujours pas à briser.