La réforme de la réglementation des chèques en Tunisie, entrée en vigueur récemment, n’a pas tardé à bouleverser les habitudes des consommateurs. Une étude publiée par l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE) lève le voile sur les premiers effets de cette réforme, révélant des changements profonds dans les modes de paiement et les comportements d’achat.
Malgré la volonté des autorités de promouvoir des moyens de paiement modernes et traçables, le cash reste roi: près de la moitié des Tunisiens (47%) continuent de régler leurs achats en espèces, même lorsque des alternatives existent. Les virements bancaires et les effets de commerce se partagent désormais la deuxième place (16% chacun), devant la carte bancaire (14%) et le nouveau chèque (7 %). Ce faible recours au chèque – pourtant au cœur de la réforme – interpelle: il révèle à la fois des freins dans l’adoption du nouveau système et un besoin d’accompagnement pédagogique plus soutenu.
L’étude de l’IACE met aussi en lumière des difficultés concrètes rencontrées par les consommateurs: 47% déclarent avoir eu des problèmes pour effectuer certains paiements depuis l’application de la nouvelle réglementation. Cette situation a un impact direct sur la consommation: 29% des personnes interrogées ont renoncé ou reporté un achat important, souvent d’un montant supérieur à 1500 dinars. Les classes moyennes sont les plus touchées: 88% des consommateurs dont le revenu est compris entre 1000 et 3000 dinars affirment avoir dû renoncer à des achats prévus, signe de leur dépendance aux paiements différés par chèque. En revanche, les plus aisés semblent moins affectés, même si 43% d’entre eux expriment une certaine réticence face à ces changements.
Les secteurs comme l’électroménager, l’ameublement ou la santé – historiquement soutenus par le paiement à crédit – sont particulièrement fragilisés. D’ailleurs, selon l’étude, seuls 21% des Tunisiens interrogés ont effectué un achat important (au-dessus de 1500 dinars) au cours du mois écoulé, et plus de la moitié (57%) ont opté pour un paiement en cash, bien que la carte bancaire soit de plus en plus présente (23%).
Cette baisse des achats à crédit se répercute directement sur l’économie. Les derniers chiffres de l’Institut national de la statistique (INS) montrent un ralentissement de l’inflation dans plusieurs secteurs: les prix des vêtements, des chaussures et des meubles ont chuté de 5 à 30% entre mars et avril 2025. Par exemple, les accessoires d’habillement affichent une baisse spectaculaire de 31%. Ce phénomène illustre l’effet désinflationniste de la réforme, mais il soulève aussi des questions sur la dynamique de la consommation. La valeur ajoutée du secteur du commerce a ainsi reculé de 0,87% au premier trimestre 2025 par rapport au dernier trimestre 2024, selon l’INS.