Dans le cadre des Petits Déjeuners de l’économie, le projet Savoirs éco, financé par l’Union européenne et mis en œuvre par Expertise France en collaboration avec le Programme d’Appui aux Médias en Tunisie (PAMT 2), a organisé un échange autour de la publication « L’économie tunisienne 2025 : quels chemins pour une nouvelle prospérité ? », récemment publiée par le GI4T. L’événement a réuni des chercheurs et des journalistes économiques pour débattre de perspectives de développement fondées sur des données économiques récentes.
Parmi les intervenants, Islem Gafsi, enseignante-chercheuse en sciences économiques et en méthodes quantitatives, a présenté une analyse approfondie sur la substitution du capital humain et les dynamiques de chômage en Tunisie. Elle a notamment insisté sur l’importance du capital humain comme atout majeur pour le pays, tout en soulignant les défis importants auxquels font face les diplômés du supérieur.
Selon les données traitées à partir de l’Enquête emploi 2023, le taux de chômage global s’élève à 16 % en Tunisie. Ce taux varie toutefois fortement selon le genre (13 % pour les hommes et 20 % pour les femmes), le niveau de diplôme et la région. Chez les diplômés de l’enseignement supérieur, le chômage atteint 25 %, et une femme diplômée sur trois est en situation de chômage. Chez les jeunes de 15 à 30 ans, le taux atteint même 35 %, avec des disparités régionales notables : 12 % dans le Grand Tunis contre 38 % dans le Sud-Est.
L’intervention a également mis en lumière le phénomène des « NEET » (un terme anglophone pour désigner les jeunes ni en emploi, ni en formation, ni en études), qui représenteraient environ 740 000 personnes en Tunisie, dont plus de la moitié sont des femmes. Ce phénomène constitue un indicateur particulièrement préoccupant, avec un taux estimé à 34 % dans la population jeune.
Au-delà des chiffres, Islem Gafsi a évoqué l’importance de prendre en compte les profils individuels plutôt que de se limiter aux moyennes nationales. Elle a également insisté sur le rôle du stage dans l’employabilité, notant qu’un stage augmente significativement les chances d’être recruté. Par ailleurs, certaines formations telles que les écoles d’ingénieurs ou les masters professionnels présentent de meilleurs taux d’insertion que d’autres, notamment les licences.
Enfin, l’experte a abordé les défis liés à la migration des diplômés, en particulier des jeunes médecins. Elle a cité une donnée récente selon laquelle 1 600 médecins sur 1 900 issus de la dernière promotion ont passé un concours d’équivalence en France, dans une logique de départ. Ce phénomène, selon elle, interroge sur le coût de la formation et sur les pertes que cela représente pour l’État tunisien.