Pour favoriser les politiques en faveur du climat, la dernière décennie a été marquée par l’intégration des objectifs ESG dans les plans de rémunération des dirigeants des grandes entreprises internationales. Cela est devenu même la règle dans le Vieux continent et une pratique courante aux Etats-Unis. Aujourd’hui, la hausse des coûts de cette approche et les positions radicales de la nouvelle administration américaine ont poussé une bonne partie de ces sociétés à faire marche arrière. Désormais, le poids ESG dans la mesure de la performance globale pèse moins.
En Tunisie, et dans la majorité des cas, les rémunérations sont liées à des objectifs plutôt commerciaux et financiers. Certes, quelques groupes et entités sortent du lot, mais elles restent l’exception dans un environnement où il y a un problème dans le Social et la Gouvernance.
En ce qui concerne le volet social, il suffit de suivre le débat autour du projet de la loi modifiant certains articles du Code du travail pour comprendre qu’en réalité, la relation employé-employeur est compliquée. Au-delà de l’efficacité ou non des mesures proposées, les sociétés préfèrent toujours de mettre les employés sous pression pour qu’ils augmentent leur productivité. De leur côté, ces derniers répliquent par fournir le moindre effort, avançant le fameux slogan “bosser à hauteur de la rémunération”. Ce climat n’est pas saint et ne peut pas aboutir à des bonnes performances. In fine, cela ouvre la porte à des pratiques de corruption, frappant de plein fouet le volet gouvernance.
L’entreprise tunisienne typique a toujours une vision concentrée sur la profitabilité. C’est légitime. La structure des charges fixes et incompressibles a tellement évolué que le seuil de rentabilité est devenu élevé. L’inflation n’a rien épargné : le taux d’imposition, les taxes, le salaire minimum, les cotisations sociales, le cout des financements, les télécommunications, l’électricité, etc. Bref, tous types de dépenses. Le bon manager est celui qui parvient à faire survivre son entreprise. L’oiseau rare, qui mérite un bonus, est celui qui réussit à dégager des gains. Et comme la vision est à court terme, la structure de ce bonus ne peut s’inscrire que dans le même horizon.
La faible capitalisation des entreprises contribue structurellement à ces résultats. Généralement, le capital social est faible et l’investissement se fait par le biais de crédits. La culture de s’engager dans le projet et d’y mettre les moyens nécessaires, surtout lorsqu’il s’agit de grosses sommes, n’est pas répandue et reflète une culture et un manque de confiance dans l’environnement. Cela explique toute cette philosophie de réduire son exposition à sa société, tout en tirant le maximum de bénéfices et d’avantages en nature. Pour comprendre ce que nous venons de décrire, vous pouvez consulter les rapports spéciaux des commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l’épargne. Vous allez constater que les rémunérations des dirigeants progressent indépendamment des performances. C’est d’ailleurs un sujet chaud, soulevé par les minoritaires, et qui alimente des débats houleux dans les Assemblées générales des actionnaires.