Votre trésorerie est infinie. Ou du moins elle a le potentiel de l’être en faisant bon usage des opportunités de circularité.
Avec une croissance de 4,1% en 2022, comme affirmé par la BAD, l’Afrique du Nord offre un terreau fertile pour la circularité, devançant l’Afrique subsaharienne de 0.5 point, selon la Banque mondiale. Une assertion d’autant plus vraie, à la lumière du nombre d’entreprises opérant dans ces régions avec plus de 800 000 entreprises recensées en 2022 uniquement pour la Tunisie (Statistiques Tunisie). Le défi principal étant alors d’identifier, de caractériser et d’exploiter ces tendances pour renforcer sa trésorerie.
Les formes de circularité
L’identification d’opportunités internes peut être assez facilement conduite en s’appuyant sur des modèles ou standards internationaux. Des livres blancs, tels que le «Circular Transition Indicator» fourni par le World Business Council for Sustainable Development, sont ainsi des ressources précieuses pour quiconque souhaitant effectuer un diagnostic de circularité. Une fois le diagnostic établi, la caractérisation des opportunités requiert une méthodologie simple et uniforme. On pourra ainsi opter pour deux catégories centrales:
• Les opportunités de mutualisation: la mutualisation consiste à combiner les ressources de deux entreprises pour bénéficier d’économie d’échelle (financière ou environnementale). On peut ainsi le voir dans le stockage et traitement joint des déchets dangereux de deux sites industriels proches.
• Les opportunités de substitution: la substitution consiste à utiliser un flux sortant d’une entreprise comme flux entrant d’une seconde. Cela peut être, par exemple, la récupération de chaleur fatale d’une aciérie pour le chauffage de locaux administratifs proches.
La circularité pour doper la trésorerie des entreprises
Du point de vue comptable, la circularité va prendre deux formes: directe et indirecte. Dans le cadre d’une opération de mutualisation, l’objectif premier va être l’optimisation d’un centre de coût ou de profit joint entre les deux entreprises. Dans le cadre d’une collaboration à faible échelle, cela peut consister en la renégociation de contrat fournisseur, la redéfinition de plans de circulation sur site ou encore le partage de flux logistiques.
Pour des accords à plus grande échelle, il peut être question d’accord de service (Service Level Agreement), de constitution d’une joint-venture ou encore d’acquisition d’actifs immobilisés joints. L’opération de substitution quant à elle a pour but principal de transformer un manque à gagner en économie ou source de revenu. Dans ce type d’approche, la collaboration peut être davantage asynchrone.
On pourra alors mettre en œuvre un contrat d’exploitation spécifique avec différentes solutions de financement et d’administration. Par exemple, dans le cadre d’une opération de récupération de chaleur fatale entre une entreprise émettrice A et une entreprise exploitante B, l’investissement initial pourrait être financé par l’entreprise B. Cette dernière se rembourserait alors sur l’économie d’énergie de son site. L’entreprise A pourrait même proposer d’assurer les opérations de maintenance du système à long terme, moyennant un versement d’un pourcentage des économies réalisées. Dans cette configuration, l’entreprise B a réalisé une économie substantielle à long terme via le décaissement d’une partie de sa trésorerie de l’année en cours et l’entreprise A a généré une nouvelle source de revenu sans jamais avoir à toucher à sa trésorerie.
Nous nous apercevons alors que l’économie circulaire, en plus de son intérêt environnemental, peut être un vecteur direct de croissance du capital et de la trésorerie des entreprises. Nonobstant ses impacts directs, le véritable pouvoir financier de la circularité réside dans ses impacts indirects. Positionnons-nous à présent en aval des opérations de mutualisation et de substitution et analysons les opportunités d’optimisation de trésorerie qui s’ouvrent à présent à nous. La première opportunité que l’on peut considérer est la renégociation des créances de dettes.
En effet, dans le cadre d’une négociation entre une entreprise et le consortium bancaire prêteur de fonds, l’un des éléments constitutifs du dossier final est l’étude d’impact Environnement, Social et Gouvernance (ESG). Ce dossier se compose d’un ensemble de critères s’appuyant sur la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) adaptée au secteur d’activité de l’entreprise. Une entreprise ayant conduit des opérations de circularité pourra ainsi justifier d’un impact positif sur sa section environnement (consommation énergétique, exposition aux secteurs fossiles, traitement des déchets…| c.f. Principal Adverse Impact) en ayant des données avec un fort taux d’assurance, car coconstruite avec le partenaire des projets circulaires. Une seconde opportunité est la diversification des options de créance de dette.
Une entreprise pourra alors utiliser des actions de circularité pour tenter de prétendre à une créance de dette verte ou candidater à des programmes de finance publique. Enfin, si l’étude de risque le permet, une entreprise peut envisager la circularité comme option de financement jumelé. Un consortium industriel peut ainsi décider d’un portefeuille de projet joint sur une zone géographique définie dont les synergies contribueraient à la réduction des coûts globaux du projet grâce à la substitution ou la mutualisation.
Par Antoine Grondin
Responsable RSE/ESG de groupe industriel, Modérateur du ComEx ESG