À travers le CJD Talks 2024, le Centre des Jeunes Dirigeants de Tunisie (CJD) met “l’économie au service de l’homme” en abordant les problèmes fondamentaux auxquels sont confrontés les entrepreneurs et investisseurs tunisiens, en vue de trouver des solutions et d’”activer des recommandations” pour changer les choses.
Au cours du sixième podcast, M. Abdelaziz Darghouth, invite M. Mohamed Salah Frad, président de l’association tunisienne des investisseurs en capital, à réfléchir sur la thématique du mois de février : “La restructuration des entreprises : solutions financières et cadre réglementaire inadapté”.
Absence de mécanismes pour sauver les PME
Dans la première partie, les deux interlocuteurs échangent sur la situation des entreprises en Tunisie.
En réponse à la question de M. Abdelaziz Darghouth sur l’absence de marché pour l’achat et la vente d’entreprises en Tunisie, M. Mohamed Salah Frad pointe un problème culturel, dans la mesure où l’entrepreneur tunisien préfère généralement créer sa propre entreprise plutôt que de racheter une entreprise en difficulté, et un problème de mécanisme lié à l’absence de financement pour ce marché.
Fort de vingt ans d’expérience dans le domaine du conseil et de l’investissement, il dresse un bilan négatif de la situation des entreprises tunisiennes. De fait, selon lui, sur 20 000 PME, 50 % connaissent des difficultés et 25 % sont “classées”. En dépit de ces statistiques alarmantes, il souligne l’absence de mécanismes appropriés pour sauver les entreprises tunisiennes, dont la situation risque de s’aggraver. À ce propos, M. Darghouth s’interroge sur le rôle de l’État dans l’évalution de la situation des PME classées ou en difficulté. Mais M. Mohamed Salah Frad explique que ce rôle est plutôt celui du conseil d’administration de l’entreprise et des commissaires aux comptes. Initier la restructuration nécessite que ces derniers posent le bon diagnostic (la bonne question) : la PME est-elle économiquement viable ?
Une approche écosystémique pour sauver les PME
Frad note toutefois que, pour des raisons culturelles, le chef d’entreprise refuse de pointer des problèmes et qu’il est responsable de la situation des PME classées ou en difficulté. Face à ce constat, M. Darghouth propose d’établir une ligne verte pour que le chef d’entreprise puisse s’exprimer sur les problèmes auxquels fait face son PME alors que M. Frad propose de créer un observatoire.
Afin de régler les problèmes de l’entreprise, il faut analyser à temps les informations. Pour ce faire, M. Frad appelle le chef d’entreprise à adopter une approche ouverte, certes envers le conseil d’administration et le commissaire aux comptes, mais aussi envers le banquier et l’investisseur en capital. Outre l’écosystème, l’État, à son tour, peut intervenir en vue de sauver les secteurs en difficulté.
Encourager la restructuration financière pour sauver les PME
Dans la deuxième partie, les deux interlocuteurs évoquent le talon d’Achille des entreprises : “l’insuffisance de fonds propres”. En réponse à la question de M. Darghouth sur les mécanismes à trouver pour régler ce problème majeur, M. Frad indique que le législateur favorise, depuis 2019, la restructuration financière car elle apporte un avantage fiscal. En l’occurrence un mécanisme qui permet à un investisseur en capital d’intervenir dans la restructuration des entreprises. M. Frad encourage ainsi la restructuration financière car elle permet à la PME classée ou en difficulté à régler ses dettes et à obtenir un fonds de roulement. À cet égard, il appelle l’État et les corps de métier à engager le dialogue, parce que le bénéfice profitera à tous.
Au législateur, l’invité propose de libéraliser les obligations convertibles en actions, et au ministère des finances d’élaborer un Programme Contrat avec les investisseurs en capital.
La nécessité d’un important fonds de restructuration
Frad souligne la nécessité d’un important fonds de restructuration. À titre d’exemple, il prend le cas de la France qui a réussi le pari d’offrir un chèque en blanc aux PME et est en train de se réindustrialiser.
À cet égard, il estime le besoin à 3 milliards de dinars, qui peuvent être fournis comme suit :
- 500 millions dinars par le capital investissement
- 500 millions dinars par les banques
- 500 millions dinars par le programme FAR
- 1500 millions dinars par les bailleurs de fonds internationaux.
Selon cette répartition, la participation locale active conduit au soutien des bailleurs de fonds internationaux qui, pour des raisons géopolitiques, ont besoin de la prospérité de l’économie tunisienne. 10 % du fonds de restructuration, soit 300 millions de dinars, pourront être alloués au diagnostic, comme le suggère M. Darghouth.
La restructuration: un programme national
Pour optimiser la réussite des restructurations des entreprises, M. Frad pose une condition : la contribution de tous les acteurs économiques à la restructuration, qui doit s’inscrire dans un programme national. Mais la réussite ne sera possible, ajoute M. Darghouth, que si la Société Tunisienne de Garantie apporte une réelle garantie. À ce propos, l’invité note que des mécanismes de garantie existent et que la SOTUGAR, avec un peu d’innovation financière, peut mener à bien la tâche qui lui est assignée.
Enfin, M. Mohamed Salah Frad estime que La Caisse des Dépôts et Consignations et le Fonds tunisien de l’investissement peuvent conduire ce que M. Darghouth appelle un plan d’action. Sur une note positive, le président de l’ATIC conclut le sixième podcast du CJD Talks 2024, prédisant que le fonds de restructuration de 3 milliards de dinars pourrait sauver 4000 PME et contribuer à atteindre des points de croissance.