Les caisses sociales tunisiennes ont récemment lancé une opération de crédits à taux préférentiels pour leurs adhérents, dans le but de soutenir leur pouvoir d’achat et de réduire le déficit budgétaire des caisses.
Cette initiative a suscité de vives réactions, tant positives que négatives, de la part des acteurs économiques et sociaux. Certains y voient une opportunité de relancer la consommation et de soulager les caisses sociales, tandis que d’autres craignent une concurrence avec le secteur bancaire et une pression inflationniste.
«L’impact de ces crédits demeure limité et ne constitue pas une concurrence directe pour les établissements financiers», c’est ce qu’a affirmé l’expert économique Mourad Hattab.
D’ailleurs, il met en avant la nature marginale de l’enveloppe budgétaire allouée par la Cnss et la Cnrps, représentant seulement 1% du volume total des crédits octroyés par le système bancaire, soit environ 200 millions de dinars.
«1% est insignifiant et ce n’est pas de la concurrence», souligne Hattab, déconstruisant ainsi une fausse idée de rivalité entre les caisses sociales et les institutions financières.
Et d’ajouter: «Une demande quotidienne d’environ 200 requêtes ne représente que celles reçues par seulement 3 ou 4 agences au sein d’un établissement financier», renforçant ainsi le constat que les deux systèmes ne sont pas en concurrence.
Bien que le taux proposé soit relativement avantageux, la différence avec les taux pratiqués par les banques pour les trois catégories actuellement proposées par les caisses n’est pas très significative.
Pour illustrer ce point, Hattab a réalisé une simulation. Prenons un crédit personnel de 25 000 Tnd sur une durée de 3 ans avec un taux de 8.25%. Cela se traduirait par des intérêts d’environ 3 200 dinars. Cependant, la comparaison avec un prêt bancaire à un taux de 12.5% (TMM+4.5) révèle que les intérêts atteindraient environ 5 000 dinars, soit une différence de montant de 1 800 Tnd qui ne semble pas avoir un impact significatif.
Plus de bruit que de besogne
Autre point saillant évoqué par l’expert économique est «l’inefficacité du crédit de mobilité dès le départ». En effet, il explique que le fonctionnaire moyen tunisien n’est souvent pas éligible en raison de restrictions budgétaires.
Plus précisément: les charges de remboursement liées à l’ensemble des prêts accordés à un assuré social ne doivent pas dépasser 40% du salaire déclaré. Selon Hattab, avec un salaire moyen d’environ 1800 Tnd brut, un prêt de 50 000 Tnd sur 5 ans impliquerait un remboursement mensuel de 1062 Tnd. Cependant, la capacité maximale de remboursement pour ces fonctionnaires est plafonnée à 700 dinars, rendant ainsi cette option financière peu réaliste et difficilement accessible. Cette restriction semble s’étendre également au crédit de logement, qui est de 100 mille dinars.
Soulignons enfin que la situation financière fragile des caisses sociales soulève des inquiétudes quant à la pertinence d’accorder des crédits. Avec un déficit de 2.8 milliards de dinars en 2022 et des fonds propres négatifs de 3.377 milliards de dinars, Hattab relativise la pertinence de cette initiative, mettant en lumière la nécessité d’une évaluation approfondie de la stabilité financière avant de poursuivre de telles actions.