« Plus les femmes sont pauvres, plus leur environnement est pauvre, moins elles ont accès à l’éducation et plus elles sont exposées à la violence physique, morale et surtout économique », atteste Riadh Zghal, docteure en sociologie, lors de la présentation, le 4 juillet à Tunis, des résultats de la cinquième vague de l’Afrobaromètre sur l’égalité des chances et la violence faite aux femmes menée par l’institut de sondage One to One for Research and Polling.
Pour elle, c’est essentiellement une affaire de culture (qui est en train de changer), par exemple au niveau de la prise de décision concernant l’utilisation de l’argent dans la famille dont un pourcentage assez important collectivement: « Cela montre qu’un travail a été fait. Seulement, la tradition en Tunisie veut que nous pouvons tout changer par le sommet, les politiques de l’Etat, les lois… mais la société ne change pas par décret, elle change parce qu’il y a des interactions humaines qui portent au changement ». Pour que les choses changent, Riadh Zghal croit qu’il faut impliquer la société traditionnelle qui a prouvé qu’au moment où il y a une injustice, des sages et des membres des familles réagissent pour remettre de l’ordre: « Il y a peut-être un travail à faire à ce niveau pour diffuser une culture antiviolence ».
Pourtant, elle regrette que les valeurs intériorisées de cette même société traditionnelle considèrent qu’il est plus honteux d’avoir des hommes chômeurs que des femmes chômeuses! « Si nous voulons raisonner en termes de nécessité d’autonomie économique des femmes, nous devons prendre en considération deux grands facteurs. En premier, les variables indirectes qui prédisposent à l’autonomisation économique des femmes (liberté de disposer de son corps, liberté de circulation, accès à l’enseignement…) et qui prédisposent les femmes à jouir des opportunités d’éducation, d’emploi, d’accès au financement quand elles ont un projet… En second, les variables directes qui font partie du rôle de l’Etat, notamment pour des données statistiques précises concernant tout ce qui se rapporte aux femmes, tout! ».
Les paradoxes de la Tunisie dans le dossier genre sont soulignés par les statistiques mondiales qui montrent qu’elle est première dans le monde arabe et en Afrique en matière de participation des femmes dans la recherche scientifique, mais qu’elle est très en retard en matière d’autonomisation économique et relativement en avance en matière de participation à la vie politique. « Toutes les données montrent qu’au moment où les femmes sont économiquement autonomes, cela rejaillit énormément sur l’éducation des enfants, sur leur santé et celle de la famille. Quand elles travaillent, les femmes n’oublient pas leurs responsabilités familiales et c’est une attitude très forte chez les femmes, et beaucoup moins forte chez beaucoup d’hommes, surtout dans un contexte d’analphabétisme et de pauvreté », conclut Zghal.