Elle a toujours revendiqué sa tunisianité dans les hauts lieux du tennis mondial. “Je suis une vraie tunisienne”, a-t-elle déclaré à la conférence de presse de Roland-Garros l’année dernière. Un choix qu’elle assume parfaitement en optant pour une équipe tunisienne pour l’accompagner dans ce passionnant et périlleux périple. Des débuts difficiles, elle a dû faire face aux adversaires les plus coriaces mais sans disposer pour autant de moyens financiers et logistiques conséquents. A quoi s’ajoutent les difficultés administratives. Une vraie conquérante au style de jeu audacieux qui a toujours gardé son sens de l’humour sur le terrain ou lors de ses déclarations.
Une guerrière au revers foudroyant, mais au geste éloquent. Sa finesse d’esprit n’a d’égale que son sens de la répartie aussi rapide que mesuré. Ons Jabeur, vous l’auriez compris, est la première joueuse arabe à intégrer le gotha des 10 premières joueuses dans le monde et à remporter un titre WTA en juin 2021, à Birmingham. Elle ne s’accorde pas de répit et ne fixe aucune limite à ses ambitions. Sitôt propulsée dans le top ten, elle déclare que c’est la première place qu’elle vise désormais. Elle incarne, par son caractère trempé et son tempérament calme et entreprenant, le slogan que tout est possible à force de détermination et de discipline.
Et une très forte dose d’audace, car le sport de haut niveau est un projet plein d’aléas et de risques qu’il faut mener avec anticipation, pragmatisme et résilience. Toute une génération en est inspirée. Ils se projettent en champions portant les couleurs du drapeau national. Une jeunesse qu’elle compte aider pour se frayer un chemin dans le tennis mondial. Car chez Ons, devenue une véritable icône nationale, le sens du devoir est chevillé au corps. Dans la période post-Covid, elle a vendu deux de ses raquettes aux enchères, au profit des hôpitaux tunisiens. Elle a pu ainsi récolter plus de 23.000 euros pour la bonne cause.
Parlez-nous de l’organisation de la Team Jabeur, l’équipe derrière vous. Comment est-elle managée?
La Team Jabeur est une très belle équipe qui rêve grand. Elle est composée de plusieurs personnes qui collaborent ensemble pour réussir et se démarquer. Je cite, en premier lieu, mon préparateur physique Karim Kammoun que vous connaissez tous et également mon coach Issam Jalleli avec qui je travaille au quotidien. Je suis suivie par le docteur Maher Zahar. Mélanie Maillard m’accompagne dans ma préparation mentale. Évidemment il y a d’autres personnes importantes qui m’aident beaucoup, mais Karim et Issam sont le noyau dur de la Team Jabeur. Nous sommes tous tunisiens, à l’exception de Mélanie et nous travaillons dur avec beaucoup de synergie, d’espoir et de détermination afin de relever les défis auxquels nous faisons face.
Quelles sont les valeurs qui décrivent, aujourd’hui, le Brand Ons Jabeur?
Le Brand Jabeur, c’est avant tout des valeurs de partage et une aventure collective. Les ingrédients de notre réussite sont la confiance, l’esprit d’équipe, le respect, la responsabilité, et une communication continue et efficace. Nous estimons que pour réaliser notre rêve commun et gagner des tournois, nous devons instaurer un climat de travail serein et sérieux. Cela passe par une collaboration saine qui nous aide à être toujours motivés et tournés vers nos objectifs.
Nous souhaitons aussi que le Brand Ons Jabeur devienne un symbole de réussite pour notre pays. Le fait que nous soyons tous tunisiens montre que, malgré nos origines ou nos moyens, le succès est possible grâce aux valeurs que j’ai mentionnées précédemment. Nous souhaitons être une source d’inspiration pour la jeune génération tunisienne. Rien n’est impossible, il faut s’en donner les moyens.
Qu’est-ce qui vous ressource pour doper votre motivation et votre mental?
Notre première source de motivation est bel et bien notre rêve de gagner, de briller à l’échelle internationale, et faire rayonner nos valeurs et nos couleurs, cela passe par un état d’esprit conquérant. Cette constante poursuite de nos rêves et la concrétisation de certaines ambitions nous poussent à y croire encore plus fort, à être déterminés et à travailler avec acharnement pour maintenir le niveau d’exigence nécessaire pour atteindre nos objectifs. Ma seconde source de motivation est mon pays. Ressentir la ferveur des Tunisiens à chaque bon parcours dans un tournoi amène une énergie indescriptible et m’incite à repousser mes limites à chaque fois un peu plus loin. Concernant l’approche mentale, c’est difficile, puisque la réussite n’a pas été immédiate. Je suis restée plusieurs années à un classement qui ne correspondait pas à mes attentes. Je suis convaincue que ces difficultés m’ont permis de forger le mental que j’ai aujourd’hui. J’ai prouvé ma résilience. Franchir ces obstacles m’a apporté une véritable confiance en moi-même et en mon équipe.
En revenant sur votre carrière, les défis que vous avez relevés, la progression fulgurante que vous êtes en train de faire récemment, y a-t-il quelque chose dans votre gestion de carrière que vous auriez fait différemment?
Je ne pense pas que j’aurais fait différemment. Toutefois, j’ai toujours tenu à apprendre des erreurs que j’avais faites. Cela m’a permis d’évoluer, d’apporter les changements qui m’aident à réussir aujourd’hui et à bâtir l’équipe avec laquelle nous forgeons nos succès. La force de notre équipe est de ne jamais reculer. Au contraire, on est dans une perpétuelle capitalisation des acquis et recherche des enseignements à tirer de chaque situation. Je voudrais insister sur le fait que la symbiose collective et la rigueur quant à la réussite de notre projet me poussent toujours à être déterminée, motivée et prête pour l’apprentissage et l’évolution. Je suis particulièrement fière de ce soutien mutuel que nous nous sommes apporté dans les moments les plus difficiles, cela nous permet d’être là où nous sommes aujourd’hui.
Comment est-ce que vous arrivez à trouver l’équilibre entre votre vie professionnelle, personnelle et publique?
Pour mon travail, je voyage beaucoup et cela est un peu contraignant sur le plan familial. Toutefois, la présence continue et le soutien de mon mari m’aident à avancer, à compenser et m’apportent une certaine stabilité. Quand j’ai du temps libre et que je suis à Tunis, j’essaie d’en profiter pour m’entraîner et rester avec ma famille. J’ai fait le choix d’avoir une carrière de joueuse de tennis internationale et j’étais consciente dès le départ que pour avancer il faudrait consentir des sacrifices. J’espère récolter les fruits de mes efforts pour ensuite revenir en Tunisie à la fin de ma carrière et passer beaucoup plus de temps avec ma famille.
Dans une industrie qui est très difficile et compétitive à l’international, vous redorez le blason de la Tunisie. Pensez-vous qu’une opportunité s’offre à l’Etat tunisien pour investir davantage dans ce domaine?
Honnêtement, je pense que l’Etat tunisien peut investir encore plus aussi bien dans le tennis que dans n’importe quelle autre activité sportive. Je reste convaincue que les meilleurs ambassadeurs de la Tunisie sont les sportifs, car ils représentent haut et fort leur pays et sont capables de hisser notre drapeau lors des événements internationaux. Il y a beaucoup de talent en Tunisie et le sport est un bon moyen de faire rayonner notre nation. Malheureusement, notre pays ne valorise pas suffisamment le tennis. Il devrait investir massivement dans le sport, un secteur qui est créateur de valeur.
Avez-vous un modèle d’entrepreneur qui vous inspire?
Honnêtement, je n’ai pas un modèle d’entrepreneur bien déterminé. J’ai eu de nombreuses sources d’inspiration tout au long de ma carrière. Je ne pense pas qu’il y ait de modèle ou d’exemple à suivre, mais les projets qui réussissent sont toujours basés sur l’audace et la détermination, des valeurs fondamentales à mes yeux. J’ai un profond respect pour les entrepreneurs qui partent de zéro et travaillent d’arrache-pied pour réussir leurs projets et forger leurs voies. Entreprendre c’est oser, c’est prendre un risque. Je dis toujours que pour réaliser ses rêves, il faut déjà oser y croire.
Vous inspirez toute une génération de jeunes et d’enfants pour se projeter dans le tennis compétitif, comptez-vous un jour aller plus loin et vous investir dans la formation et l’accompagnement?
Oui, je rêve de fonder ma propre académie pour former et accompagner les jeunes afin d’en faire des joueurs de tennis professionnels qui réussissent leur carrière à l’échelle internationale. Connaissant très bien le sport de haut niveau et ses difficultés, je voudrais faire profiter de mon expérience, partager mon savoir-faire pour guider les jeunes et les aider à réaliser leur potentiel. Je pense que mon parcours est unique, c’est sa force. Je compte m’appuyer dessus pour apporter beaucoup d’espoir aux futures générations de joueurs tunisiens. Un des défis est d’arriver à pérenniser la présence de joueurs de tennis tunisiens sur le devant de la scène. Parvenir à ce résultat serait formidable pour le sport tunisien, notamment pour les valeurs qu’il inculque à notre jeunesse.
Quels sont vos projets aujourd’hui? Dans quels secteurs vous voyez-vous investir ou investissez-vous?
J’ai un projet en tête mais je préfère rester discrète à ce sujet. J’y travaille actuellement et ce sera un plaisir de le partager en temps voulu. Vous l’avez compris, quand j’ai un objectif, je travaille d’arrache-pied et je me donne les moyens de réussir, je ne veux pas gâcher cela, puisqu’il reste encore de nombreuses choses à mettre en place avant de pouvoir en parler publiquement.
Quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat sportif de haut niveau?
Pour réussir, il faut croire en ses rêves, avoir confiance en soi et travailler extrêmement dur pour réussir ses projets. La détermination et la motivation sont les deux chemins de la réussite. Les difficultés, les obstacles et le manque de moyens ne doivent pas arrêter la poursuite d’un objectif. Je suis convaincue qu’avec ces deux clés et un travail rigoureux, persistant et professionnel, il est possible de réaliser de très grandes choses. Il faut oser rêver et s’y consacrer à 100%.