La démocratie est le résultat d’un équilibre délicat. C’est pour cela que des experts se sont réunis mercredi pour discuter de ce sujet. Après son inauguration le 10 mai, l’Université Mahmoud-El Materi organise, en partenariat avec le Labo’ Démocratique, un colloque international intitulé “Démocratie: entre crise, refondation et disruption ?” à Al Fehriya Learning & Coworking Lab.
Dr Jérôme Heurtaux, maître de conférences en science politique et directeur du Centre français de recherche en sciences sociales-Prague, a animé une intervention sur le thème: “Peut-on encore croire à la « transition démocratique »? Une perspective comparée”. Ancien chercheur à l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) à Tunis entre 2013 et 2017, il est spécialiste de l’Europe centrale, enseignant dans de nombreux établissements tels que Paris Dauphine campus Tunis ou encore Sorbonne Abu Dhabi (PSUAD).
Lorsque l’on demande les enseignements à tirer de la transition démocratique des pays d’Europe centrale par rapport à la Tunisie, Heurtaux explique que la situation est propre à ces pays et ne peut pas être exportée: “Il s’agit d’une question datée, dans le sens où cette question a été posée avec beaucoup de curiosité au début des années 2011. J’ai été contacté en tant qu’expert pour la présentation de l’expérience centre-européenne. Ce n’est pas un modèle à exporter en Tunisie. La situation est complexe et comporte beaucoup de failles. Cependant, elle est perçue ici comme un possible modèle dont les Tunisiens pourraient s’inspirer”.
Il existe quelques points communs entre la Tunisie et l’Europe centrale au niveau des transformations politiques: “En Tunisie comme en Europe centrale, on observe un resserrement autoritaire. Il y a de nouvelles forces politiques en Europe centrale ayant obtenu le pouvoir dans une certaine longévité, comme le Premier ministre Orban qui en est à son 4e mandat à la tête de la Hongrie. L’Europe centrale a traversé des formes de révolutions conservatrices qui sont des contre-révolutions. Ces pays connaissent des attaques contre l’indépendance de la justice, les milieux académiques, le secteur culturel. Ainsi, la pensée libre est menacée en Pologne comme en Hongrie par un pouvoir d’État qui développe ses tentacules dans la société”.
L’inflation galopante tunisienne pourrait aboutir soit à plus d’autorité, soit à un bouleversement social: “Les sociétés connaissant une hyper-inflation peuvent passer par un changement social ou un tour de vis autoritaire. La transition économique a marginalisé des segments de la population, tout en augmentant les inégalités sociales. Il y a par ailleurs un contrepoids comme les politiques publiques sociales familiales en Pologne qui luttent contre les inégalités. Actuellement, le modèle de démocratie libérale développé dans les années ‘90 connaît une faillite sans laisser l’espace à une critique sociale”.