En Tunisie, l’Etat est le plus grand propriétaire de terres et domaines agricoles. Il dispose également d’un portefeuille d’actifs immobiliers et fonciers considérable, constitué de constructions et d’immeubles, de palais modernes et anciens, de musées, de jardins publics, de parcs naturels, de forêts, d’infrastructures sportives et de loisirs, de ports maritimes, terrestres et aériens, de sites touristiques, de monuments archéologiques, etc.
La gestion des domaines de l’Etat et des affaires foncières est dédiée à un ministère à part entière qui dispose bien évidemment d’un budget, de personnel et d’autres ressources pour fonctionner.
Selon les déclarations de quelques experts, les propriétés et domaines de l’Etat, une fois identifiés, répertoriés et évalués, représentent des sommes colossales (des dizaines de milliards de dinars). Toutefois, cette “richesse de l’Etat” révèle beaucoup de paradoxes.
D’abord, et malgré ce large patrimoine, l’Etat croule sous les dettes et ses caisses sont chroniquement vides.
Ces ressources aussi abondantes ne permettent pas non plus à l’Etat de créer des opportunités économiques pour ses citoyens.
Un autre paradoxe, les propriétés domaniales coûtent des millions de dinars chaque année en frais d’entretien et de maintenance sans compter le coût d’opportunité et les pertes dues au vol, destruction… l’Etat est contraint soit de s’endetter pour payer les factures, soit de laisser ses biens à l’abandon. Des enquêtes récentes ont montré que de nombreux palais et demeures anciens, partout en Tunisie, sont dans un état de ruine. Des fermes agricoles abandonnées, des parcs devenus des lieux dangereux, des sites archéologiques défigurés par les voleurs et les chercheurs de trésors…
L’Etat ne gère pas ses propriétés dans le sens de l’exploitation pour la création de valeur. Au contraire, en tant que propriétaire, l’Etat interrompt la chaîne de valeur en confisquant ses propres ressources.
Aujourd’hui et compte tenu du contexte éco-social hyper morose, il serait plus que raisonnable de revoir cette politique d’Etat propriétaire de tout. En mettant la main sur toute la “matière nationale” sans être, tout de même, capable d’en assurer la bonne gestion, l’Etat est en train de saboter toute l’économie.
Pour des propriétés domaniales au profit de l’économie nationale
Une stratégie nationale qui consisterait à mettre progressivement les propriétés et domaines de l’Etat à la disposition des entrepreneurs individuels et des TPE (Très petites entreprises) dans le cadre d’un plan de développement durable inclusif.
Des PPP (Partenariat public-privé), des PPC (Partenariat public-citoyen) et des concessions seraient adoptés comme des mécanismes de transmission des biens de l’Etat vers les citoyens entrepreneurs.
Cette stratégie permettrait de créer des milliers de TPE avec des emplois durables à la clé.
En contrepartie des concessions obtenues, les bénéficiaires paient à l’Etat une redevance raisonnable en fonction de leur activité et de la maturité de leur projet.
Avec un tel scénario, l’Etat verrait ses caisses se remplir et n’aurait donc plus à supporter les coûts d’entretien et de maintenance. De plus, les propriétés seraient mieux valorisées et sécurisées et contribueraient à l’amélioration de la qualité de vie des populations.
A titre d’exemple, prenons les trois cas suivants:
1- Un jardin public mis à la disposition d’une TPE dans le cadre d’une concession. Le jardin pourrait se transformer en un espace de loisirs propre et sécurisé. La TPE pourrait entreprendre des activités de loisirs pour enfants et familles. Des petits commerces autour peuvent s’y installer.
2- Un terrain agricole exploité en micro-fermes par une coopérative de petits agriculteurs et des startuppeurs permettrait de créer plusieurs emplois directs et indirects.
3- Un monument historique mis à la disposition d’une TPE pour en assurer la gestion et l’exploitation. Le monument pourrait devenir un site attractif grâce à une offre de services complète (billetterie, restauration, animation, guide…).
Les crises doivent nous inciter à questionner les modèles mentaux qui définissent nos politiques publiques. L’Etat ne doit pas être un “agent” qui essaye de tout créer et de tout contrôler.