La Tunisie se doit de se positionner en tant que pourvoyeur principal d’une main-d’œuvre qualifiée, numérique et intelligente pour l’Europe et l’Amérique du Nord.
Le télétravail existait bien avant la crise sanitaire. Toutefois, cette pratique a connu un développement fulgurant durant la période du confinement et des restrictions imposées par la pandémie. Soucieuses de la continuité de leurs activités, les entreprises du secteur tertiaire ont largement investi dans des infrastructures digitales pour permettre à leurs salariés de télétravailler.
Aujourd’hui, avec le full remote, le marché de l’emploi s’ouvre à l’international. Les entreprises sont de plus en plus tentées de recruter des étrangers pour travailler à distance (work from abroad).
Cette “télé-migration”, comme l’a baptisé l’économiste Richard Baldwin en 2019, commence à intéresser beaucoup de pays développés historiquement connus comme des terres d’immigration tels que le Canada, les Etats-Unis ou encore certains pays européens tels que l’Allemagne, la France, les Pays-Bas… Le recrutement des télétravailleurs étrangers leur permet de pallier leurs besoins structurels en main-d’œuvre qualifiée sans devoir subir les coûts et les conséquences de l’immigration classique. Par exemple, certains grands groupes internationaux avaient même proposé “l’indexation des salaires en fonction des zones géographiques”. Le PDG de Facebook par exemple avait déclaré qu’il envisageait de recruter des employés internationaux et d’adapter leurs salaires en fonction de leur pays de résidence.
Comment se présente le marché international du télétravail?
La course vers la télémigration a déjà commencé parmi les pays en développement. Des législations favorables au télétravail ont été mises en place. Certains pays, comme les Seychelles, Costa Rica, les Emirats et la Thaïlande, avaient même créé un visa spécial pour les télétravailleurs.
L’île Maurice, le Maroc et le Cameroun se sont déjà positionnés comme des marchés où l’on peut se procurer les meilleurs développeurs et programmeurs.
L’émergence du modèle “Hub and spoke”, qui suggérait la création d’un bureau central (hub) et des “bureaux satellites” dispersés géographiquement (spoke) destinés aux télétravailleurs, a inspiré certains pays comme le Mexique qui a profité de son positionnement géographique pour attirer les entreprises nord-américaines.
Comment devenir compétitif sur ce marché?
La Tunisie pourrait être une plaque tournante du télétravail en Méditerranée. Le pays dispose de ressources humaines qualifiées dans le domaine du tertiaire classique mais également dans les technologies 4.0 (IA, data science, IOT…).
Pour ce faire, l’élaboration d’une stratégie nationale pour le télétravail demeure indispensable si nous souhaitons avoir notre part de marché.
Une stratégie nationale passera certainement par:
– La mise en place d’une législation souple; un code du travail spécial télé-immigrants, un code de change permettant la réception des salaires en devises, transferts et retraits en devises, paiements en cryptomonnaies, NFT, des portails de paiements internationaux tels que Paypal et autres plateformes similaires, etc.
– Un dispositif incitatif aux entreprises étrangères souhaitant créer des antennes locales pour assurer le suivi et la coordination avec les télétravailleurs.
– La mise en place d’un bureau unique pour conseiller, assister et orienter les télétravailleurs dans leurs démarches de télé-immigration.
– La création d’une infrastructure adaptée; logistique (des espaces de coworking dédiés, des complexes aménagés avec espaces verts, restaurants, salles de sport, théâtre…), numérique (des installations sécurisées, un réseau fiable, des équipements de pointe…). Dans ce sens, la conversion de certains complexes hôteliers en structures et en unités de coworking pourrait être une solution. Des structures qui seraient les “spoke” des multinationales et PME européennes.
– La création d’une offre touristique orientée vers les télétravailleurs européens. À travers des packages de séjours vacances-télétravail.
Grâce à son emplacement géographique et sa proximité de l’Europe, la Tunsisie a tous les atouts pour devenir une destination de télétravail international. Ce n’est qu’à travers une stratégie offensive que nous pourrions promouvoir notre marché de télétravailleurs. Nous avons besoin d’une sorte de loi 72 du télétravail international. Un dispositif qui a autrefois servi de tremplin pour l’essor de l’industrie exportatrice en Tunisie.