Dans un contexte de crise économique exceptionnelle où le chômage commence à toucher des nouvelles catégories (des cadres, des techniciens, des employés qualifiés..etc) pour venir s’ajouter à celles des chômeurs de longues durée et des chômeurs non qualifiés, il apparaît légitime de réfléchir à des approches non-traditionnelles pour pouvoir sortir de cette crise. Des approches qui jetaient les fondements d’une nouvelle économie basée sur les principes de la solidarité économique, l’inclusivité et le partage équitable des richesses.
Face aux ressources publiques limitées, le financement de l’emploi ne pourrait se faire par un recours au budget de l’Etat. Cette réalité ne nous laisse qu’une seule solution: chercher l’argent auprès de l’économie privée. L’idée consiste en la création d’un fonds (une caisse) de solidarité économique qui serait alimenté par des cotisations obligatoires payées par les entreprises privées. L’argent collecté sera par la suite ré-alloué à celles ayant des besoins en main d’œuvre.
Cette option ne nuirait pas, bien évidemment, au secteur privé; ni à sa capacité compétitive ni à son potentiel de développement et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, parce que les fonds à collecter auprès des entreprises privées seraient utilisés uniquement pour financer des emplois privés. Par conséquent, l’argent restera dans le secteur privé.
Les entreprises contributrices elles même pourraient en bénéficier si elles décident d’embaucher des sans-emplois. Le transfert des fonds vers les entreprises qui en ont plus besoin créerait des richesses qui profiteraient à l’ensemble du secteur (selon le principe de la boucle de rétroaction).
L’importance de la solidarité économique
La majorité des entreprises et en particulier celles de petite taille (moins de 50 salariés) trouvent des difficultés à maintenir leurs employés et encore moins à en embaucher des nouveaux.
En même temps, de nombreux grands groupes et des PME continuent à faire de bons résultats (secteurs de l’agroalimentaire, bancaire, pharmaceutique, ..etc). Ces entreprises disposent de réserves de trésorerie importantes.
Pour une répartition équitable des richesses et pour une réelle responsabilité sociale et économique le secteur privé est appelé à faire preuve de plus de solidarité pour sauver à la fois les petites entreprises et contribuer à la réduction du chômage.
En quoi consiste le fonds inter-entreprises?
Il s’agirait d’instaurer un régime obligatoire de “Cotisations pour création d’emplois”. Le principe est que les entreprises qui sont en bonne santé financière se porteraient solidaire avec celles qui ont besoin de fonds frais pour satisfaire des besoins en main d’œuvre. Les cotisations se feraient d’une façon régulière (la fréquence et la période sont à déterminer).
Les critères pourraient inclure la taille de l’entreprise, les flux de trésorerie, les résultats précédents, le secteur d’activité, la nature de l’activité (polluante, peu polluante, verte…). Les entreprises bénéficiaires “des allocations création d’emploi” seraient sélectionnées en fonction de leur situation financière, leurs besoins en main d’œuvre, type d’emploi à offrir (cadre, technicien..), la durée du contrat..etc.
Le montant de l’allocation serait calculé sur la base du SMIC ou aligné sur le montant de la prime accordée dans le cadre du Stage d’Initiation à la vie professionnelle (SIVP).
Une partie des fonds servira également à soutenir les entrepreneurs individuels. Une prime d’incitation à l’entrepreneuriat sera versée aux personnes désireuses de lancer leur propre projet. La gouvernance du fonds pourrait être assurée par une instance mixte (Public et Privé ) qui aurait pour rôle la gestion, la ré-allocation et le contrôle des fonds collectés.
Le modèle économique proposé suggère l’institutionnalisation de la solidarité économique à travers une réglementation innovante. L’objectif est de créer une solidarité nationale suffisamment forte pour faire face au chômage et encourager l’initiative entrepreneuriale.
Avec l’émergence des mouvements “Anti- travail” comme “The great résignation” des nouveaux modèles en faveur des travailleurs sont actuellement à l’étude tels que “la sécurité économique” ou encore” l’emploi garantie”. Des expérimentations sont en train de se produire en France sous le programme “Territoires zéro chômeurs de longue durée” ou encore aux Etats Unis avec la politique “Job guarantee”.
Il est vrai que la mise en place d’une telle réglementation en Tunisie nécessite une forte volonté politique. Toutefois, il nous semble que le socle d’une telle législation existe déjà avec le projet de la loi sur la réconciliation pénale. Il serait peut-être plus judicieux de se diriger vers des approches innovantes et durables prônant l’esprit de solidarité et d’équité.