Les prix des produits alimentaires grimpent. Statistiques à l’appui. D’après l’INS, l’inflation est de 6,2%, elle est encore plus marquée dans certains paniers de consommation : les légumes, les fruits, le tabac, l’huile d’olive, les boissons alcoolisées et non alcoolisées dépassent nettement l’élévation moyenne. Pour le tabac, elle est de 19%. Pour les boissons alcoolisées, elle est de 20%. La “sin tax” se paye très cher. Des chiffres alarmants pour le consommateur moyen.
Pour Moez Soussi, professeur et chef du département économie à l’IHEC, l’impact pour le citoyen diffère d’une catégorie à une autre :”Ceux qui consomment plutôt les produits administrés dont le prix est fixe, comme les produits céréaliers, font face à une augmentation de prix de 3%. D’autres consommateurs au revenu plus élevé vont sentir l’inflation de façon plus drastique. Dans l’ensemble, nous sommes dans une conjoncture économique qui annonce des signaux d’augmentation des prix plutôt que la maîtrise de l’inflation”
L’hôtellerie et la restauration lourdement touchées par la crise économique
Cette inflation risque de fortement impacter le secteur hôtelier et la restauration, déjà lourdement touchés par la crise sanitaire. Moez Soussi précise que, dans ce cas, il s’agit d’une autre source d’inflation : “Quand on parle d’inflation, il y a plusieurs causes qui conduisent à l’augmentation des prix. L’indice général des prix est pour sa part poussé par la demande. En revenant à l’exemple de ces activités, il s’agit plutôt d’une inflation par les coûts. Rien que l’application du protocole sanitaire pour les hôtels les oblige à restreindre leur capacité d’accueil de 30 à 50% pour respecter la distanciation. De plus, il y a des coûts supplémentaires liés à la distribution des masques, au gel hydroalcoolique, la distribution du personnel au niveau du buffet. C’est pour cela que les établissements hôteliers qui devraient baisser les prix pour attirer la demande se trouvent obligés au contraire de les augmenter. Les coûts sont révisés à la hausse et la restriction de la capacité d’accueil les oblige à supporter des coûts fixes plus élevés”.
Le remboursement de la dette souveraine nécessite des mesures d’urgence
Par ailleurs, l’échéance de remboursement de la dette souveraine se rapproche. La Tunisie devrait trouver 2,8 milliards de dinars pour rembourser la dette. Les Droits de Tirage Spéciaux du FMI représentent 750 millions de dollars, soit plus de 2 milliards de dinars. Pour Moez Soussi, ils sont loin d’être suffisants et auraient même déjà été engloutis : “Nous parlons des engagements de la Tunisie d’ici la fin de l’année 2021, pour une somme d’environ 3 milliards de dinars. Ce n’est pas facile d’en disposer dans les circonstances actuelles. Les DTS ont déjà été engloutis – ils devraient rapporter au Trésor quelque 2 milliards – et ne sont pas suffisants pour rembourser la dette. De plus, les consacrer à rembourser la dette ne serait pas une bonne décision”.
Les solutions pour lever ce montant sont nombreuses : “L’Etat doit d’urgence présenter un document comptable bien connu et très attendu : la loi de finances rectificative. Tous les scénarios sur lesquels a été formulée la loi de finances 2021 ont changé, à l’instar du taux de croissance ou du prix du baril. Je recommande de revoir le budget titre II, consacré au financement de l’investissement. Car, nous n’avons pas beaucoup de marge de manœuvre par rapport au budget du titre I qui est le budget d’exploitation. Il serait possible de retarder quelques échéances par rapport à l’investissement et continuer à honorer les engagements par rapport à la dette.”
Il insiste sur le fait que la Tunisie doit tout faire pour ne pas déclarer son incapacité à rembourser la dette, au risque d’engendrer une baisse de la note souveraine. “Les agences diminueraient notre note, et cela se traduirait par des effets très néfastes sur tout le budget 2022.”