L’économie inclusive commence à faire ses premiers pas en Tunisie. C’est ce que démontre le rapport du PNUD Tunisie publié vendredi. Même le concept d’entreprise inclusive est peu connu, donc peu appliqué. Les quelques projets d’entreprise inclusive sont majoritairement des projets de biens de grande consommation et en particulier l’agro-industrie.
Qu’est-ce que l’entreprise inclusive ?
Le « G20 Inclusive business framework » définit les modèles d’affaires inclusifs comme des modèles commercialement viables et reproductibles qui intègrent les consommateurs à faibles revenus, les détaillants, les fournisseurs ou les distributeurs dans les opérations de base (IFC, 2014). En adoptant ces modèles, les entreprises développent la capacité des sociétés et des entrepreneurs à faibles revenus, favorisent l’accès au financement pour les entreprises et les consommateurs, créent ou adaptent des produits pour répondre aux besoins et aux exigences locales, et développent des approches innovantes au niveau des circuits de distribution pour mieux desservir les communautés difficiles à atteindre.
En Tunisie, la population BoP (base de la pyramide, population la moins fortunée) représente 50% de la population totale. En termes de contribution à l’économie, leur consommation compte pour plus de 13% du PIB national. Le développement des entreprises inclusives en Tunisie représente des opportunités importantes aussi bien pour le secteur privé que pour ces populations BoP. Il permet de créer de nouvelles orientations des affaires et modèles d’affaires en créant de nouveaux marchés, en encourageant l’innovation et en augmentant les revenus, mais surtout en contribuant au développement durable grâce à un impact social important.
Un concept peu connu et peu développé
Les principaux résultats de l’analyse de l’état des lieux des entreprises inclusives en Tunisie révèlent une situation d’amorce de cette activité. Le concept d’entreprise inclusive en Tunisie reste peu connu et peu développé. Il existe, toutefois, plusieurs entreprises privées qui ont développé des modèles d’affaires inclusifs en intégrant les populations BoP. La majorité de ces entreprises n’intègre pas de mesures sociales dans leurs modèles d’affaires et ne mesure pas l’impact social qu’elles ont sur les populations à faibles revenus. Elles n’ont pas non plus d’idée précise sur leur contribution et leur valeur ajoutée dans l’atteinte des ODD. Les entreprises évoluent dans un cadre où il n’existe pas de réglementation ou d’incitations particulières et spécifiques visant à développer les modèles d’affaires inclusifs. L’écosystème institutionnel de soutien est composé de structures gouvernementales, de structures privées (incubateurs, accélérateurs, investisseurs), de la société civile et de partenaires de développement. Ces acteurs offrent un potentiel en tant que parties prenantes pouvant jouer un rôle important dans le développement des modèles d’affaires inclusifs, tout en générant des impacts socioéconomiques à large échelle. Un manque d’information et de recherches sur l’entreprise inclusive et sur les opportunités offertes par le développement des modèles d’affaires inclusifs en Tunisie est à déplorer.
Les biens de grande consommation en tête de l’économie inclusive
Plusieurs secteurs économiques en Tunisie offrent des opportunités majeures pour le développement de modèles d’affaires inclusifs. Le secteur des biens de grande consommation, et notamment l’agro-industrie, reste de loin le domaine où l’entreprise inclusive est la plus développée. La plupart des modèles d’affaires inclusifs ont intégré les populations à faibles revenus principalement en tant que fournisseurs, tout en les accompagnant pour développer leurs capacités, par exemple à travers des formations ou même à travers un soutien financier, un accès aux équipements et à la fourniture. Ceci renforce les producteurs locaux et les petites entreprises, réduit les risques de rupture d’approvisionnement et définit la base pour garantir la durabilité des activités et des revenus pour tous les acteurs sur le long terme. Dans le secteur de la finance, les institutions financières ont aussi développé des produits qui répondent aux besoins des populations à faibles revenus avec des microcrédits, micro-assurances, paiements mobiles, etc. Certaines d’entre elles accompagnent les entreprises, les conseillent sur le développement de leurs projets et fournissent une assistance technique dans le cadre de la ligne de crédit. Les modèles des affaires inclusifs dans les autres secteurs (télécommunications, agriculture, éducation, technologie) existent, mais sont peu structurés et représentés principalement par des startups. Le principal défi pour les entreprises inclusives dans différents secteurs consiste à atteindre l’échelle. Les modèles commerciaux basés sur la technologie sont confrontés à moins d’obstacles pour atteindre le dernier kilomètre. Cependant, l’enjeu réside dans la définition des leviers de réplicabilité des bonnes pratiques sur les différents marchés. Il s’agit, en effet, de passer de projets inclusifs inscrits dans une logique pilote à de véritables entreprises inclusives générant un impact socioéconomique important.