L’Etat tunisien a moins de recettes et plus de dépenses, ce qui le met dans une situation financière délicate. C’est ce qu’a affirmé Mouna Ben Halima, présidente de l’ATUGE, lors du webinaire organisé jeudi 30 septembre 2021 pour débattre de la situation actuelle des finances publiques et des moyens de parvenir à financer les déficits et de boucler le budget 2021. Il s’agissait de discuter de la pertinence de recourir à la planche à billets et de présenter des alternatives à cette solution souvent décriée, face à un panel composé de Moez Labidi, universitaire, économiste et ancien administrateur de la BCT, Safouane Ben Aissa, universitaire et économiste, et Georges Ghorra, représentant résident de l’IFC.
L’inflation a été alimentée à plusieurs niveaux. Le baril de pétrole est passé de 45 à 80$, ce qui, selon Mouna Ben Halima, signifie trois milliards de dinars supplémentaires à trouver. Safouane Ben Aissa explique que le financement direct BCT-Trésor public accordé l’an passé à hauteur de 2,8 milliards a alimenté l’inflation avec un effet à retardement. Aujourd’hui, toute création monétaire va servir à la consommation de biens importés, ce qui alimentera encore plus l’inflation. Moez Labidi cite l’exemple du Venezuela. Pour revenir sur les risques engendrés par le financement direct, l’exemple du Venezuela peut être cité, où le président populiste Maduro a affirmé « imprimer les billets pour corriger les inégalités dans le pays ». L’inflation est passée de 21% en 2012 à 27% en 2021, le salaire minimum est passé de 476 à 2,5$ et ne suffit même pas à acheter 1kg de viande.
La dette pourrait diminuer de plusieurs façons. Selon Safouane Ben Aissa, la dette actuelle pourrait devenir soutenable si les financements se destinaient à la machine de production, comme cela avait été le cas dans le passé. La dette avait toujours été corrélée à des projets structurants. A titre d’exemple, avant de parler des énergies renouvelables, il faudrait penser à une ligne électrifiée sous-marine vers l’Italie pour acheminer notre production vers l’Europe. La nomination d’une Cheffe de Gouvernement a inversé une tendance baissière depuis plusieurs semaines sur les Eurobonds de la dette tunisienne et nous devons concrétiser maintenant ces bonnes intentions. Prenant la parole à son tour, Moez Labidi rappelle que la crainte du financement direct concerne son instrumentalisation à des fins électorales. Si la question s’impose aujourd’hui parce que la porte du FMI nous est fermée après deux programmes inachevés, et les marchés internationaux ne sont plus accessibles : le taux d’intérêt sur la dette tunisienne dépasse les 15% ! La dette tunisienne est insoutenable parce que la croissance tunisienne est anémique et les taux auxquels nous empruntons sont exorbitants. Le rythme d’augmentation des recettes fiscales est nettement inférieur à l’augmentation du service de la dette, et cette situation ne peut durer. La seule solution durable est le retour de la croissance, par la relance de l’investissement.
Le partenariat public-privé pourrait être la solution aux finances tunisiennes. Mouna Ben Halima a déclaré que pour faire face à la baisse des recettes et à l’augmentation des dépenses, l’Etat a choisi d’arrêter les investissements publics pour faire face aux dépenses de l’Etat, principalement les salaires et les caisses de compensation. Ce qui aboutit à des délais de paiement des entreprises privées qui se rallongent et des risques de faillite sur ces entreprises, avec toutes les conséquences sociales et financières. Georges Ghorra, de son côté, a dit que côté investissements publics et vu le peu de ressources dont dispose l’Etat, il faudrait solliciter le secteur privé via le PPP, pour créer de la croissance et des emplois. Avec une réelle volonté politique, cela peut se faire rapidement, à l’image de plusieurs autres pays : énergie solaire, traitement des eaux, infrastructure, transport…