Dans le Digital Economy Report 2021 de l’UNCTAD, il est fait mention de la Tunisie dans un cas particulier : le transfert de données. En effet, dans la cartographie des réglementations sur les flux de données transfrontaliers, la Tunisie est classée comme ayant un transfert de données conditionnelles difficile et comme adoptant une approche prescriptive.
Un déséquilibre de plus en plus renforcé
Les poids lourds des plateformes numériques renforcent leur position dominante dans la chaîne de valeur mondiale des données, entraînant des déséquilibres de pouvoir toujours plus marqués qui entachent une économie numérique en pleine expansion.
L’économie numérique basée sur les données est en plein essor. Selon des estimations récentes, le trafic mondial en matière de protocole Internet (IP) – un indicateur sûr des flux de données – va plus que tripler entre 2017 et 2022, d’après le Rapport sur l’économie numérique 2021 de la Cnuced publié le 29 septembre.
La pandémie de Covid-19 a largement augmenté le trafic internet, car de nombreuses activités ont dû être adaptées à cette nouvelle réalité et s’établir en ligne. La bande passante internet à l’échelle mondiale a ainsi augmenté de 35 % en 2020, contre 26 % l’année précédente, indique le rapport.
Une part croissante des flux de données est liée aux réseaux mobiles. Avec l’augmentation du nombre d’appareils mobiles et d’appareils connectés à internet, le trafic de données par le haut débit mobile devrait représenter près d’un tiers du volume total des données en 2026, indique le rapport.
« L’économie numérique basée sur les données se caractérise malheureusement par de grands déséquilibres et de grandes fractures », a déclaré la directrice de la division technologie et logistique de la Cnuced, Shamika N. Sirimanne. « À mesure que l’économie numérique se développe, une fracture additionnelle liée aux données vient aggraver la fracture numérique ».
Les pays en développement cantonnés à un rôle de second plan
Le rapport de la Cnuced met en garde et insiste sur le fait que dans cette nouvelle configuration, les pays en développement risquent de devenir de simples fournisseurs de données brutes aux plateformes numériques mondiales, alors qu’ils devront dans le même temps payer pour avoir accès à l’intelligence numérique obtenue à partir de leurs propres données.
Seuls 20% des habitants des pays les moins avancés (PMA) utilisent l’internet, et lorsqu’ils le font, c’est généralement à des vitesses de téléchargement relativement faibles et à un prix proportionnellement élevé, indique le rapport.
En outre, la vitesse moyenne du haut débit mobile est environ trois fois plus élevée dans les pays développés que dans les PMA. Et si jusqu’à huit internautes sur dix font des achats en ligne dans de nombreux pays développés, moins d’un sur dix le fait dans un grand nombre de PMA.
L’utilisation de bandes passantes internationales est concentrée au niveau géographique le long de deux axes principaux : Amérique du Nord-Europe et Amérique du Nord-Chine.
Les géants du numérique consolident leur domination
Selon le rapport, les plus grandes plateformes numériques – Apple, Microsoft, Amazon, Alphabet (Google), Facebook, Tencent et Alibaba – investissent de plus en plus tout au long de la chaîne de valeur mondiale des données.
Elles investissent dans la collecte de données à travers des plateformes de services à l’utilisateur, dans la transmission de données par le biais de câbles sous-marins et de satellites, dans le stockage de données (centres de données) et dans l’analyse, le traitement et l’utilisation de données, par exemple grâce à l’intelligence artificielle (IA).
Avec l’accélération de la numérisation, la taille, l’ampleur des bénéfices, la valeur sur les marchés et la position dominante de ces plateformes se sont encore renforcés pendant la pandémie.
Grâce à un accès privilégié aux données, à des effets de réseau et à des économies d’échelle et de gamme, ces plateformes sont devenues des entreprises numériques mondiales ayant une portée planétaire ; un pouvoir financier, commercial et technologique colossal ; qui contrôlent une quantité infinie de données sur leurs utilisateurs.
Selon le rapport de la Cnuced, Amazon a investi environ 10 milliards de dollars dans le haut débit par satellite.
Amazon, Apple, Facebook, Google et Microsoft ont été les principaux acquéreurs de startups en Intelligence Artificielle entre 2016 et 2020.
Au dernier trimestre 2020, quatre grandes plateformes (Alibaba, Amazon, Google et Microsoft) détenaient à elles seules 67 % des revenus mondiaux en matière de services d’infrastructure du ‘cloud’.
D’ici 2022, la part des dépenses publicitaires en ligne au niveau mondial de cinq des plus grandes plateformes numériques (Alibaba, Amazon, Facebook, Google et Tencent) devrait dépasser 73 %, contre seulement 50 % en 2015.
Une approche innovante de la gouvernance mondiale des données est primordiale
Alors que les flux de données transfrontaliers prennent de plus en plus d’importance dans l’économie numérique, la Cnuced en appelle à une approche innovante pour les réglementer de manière juste au niveau international.
Actuellement, les entités qui sont en mesure d’extraire ou de collecter des données sont dans une position privilégiée pour s’approprier la majeure partie de leur valeur.
« Un nouveau système international de régulation des flux de données est primordial pour que les gains qui en découlent puissent être redistribués plus équitablement », a déclaré S. Sirimanne.
Selon elle, la communauté internationale devrait accorder une attention plus soutenue aux factures actuelles qui caractérisent l’économie numérique mondiale, et que l’on retrouve non seulement entre pays, mais aussi entre Etats et entreprises.
Torbjörn Fredriksson, qui dirige la branche commerce électronique et économie numérique de la Cnuced, signale que « la pénurie de compétences adéquates au sein des gouvernements risque de se traduire par un manque d’expertise technique et analytique dans les processus d’élaboration des cadres législatifs et réglementaires. »
Il ajoute que cette situation peut à son tour entraver la capacité des gouvernements à identifier à la fois les opportunités offertes par les technologies numériques et les risques et dangers qui pourraient en découler, ainsi que les moyens d’y faire face.
Le rapport met aussi l’accent sur le fait que les pays moins développés souffrent également d’une fuite de leurs cerveaux au profit des pays développés et sont ainsi moins bien représentés lors des discussions pour élaborer les politiques publiques au niveau global, ce qui contribue encore plus à l’accroissement des inégalités dans le monde.
Cas de la Tunisie : transfert de données difficile
Il s’agit d’étudier la manière dont les cadres réglementaires sur les flux de données transfrontaliers sont mis en œuvre dans le monde. En ce qui concerne l’approche prescriptive au milieu de l’éventail, le tableau distingue les pays qui imposent des exigences conditionnelles souples ou intermédiaires pour les flux transfrontaliers de données (pays de l’UE) (ce qui les rend moins prescriptifs ; voir le côté droit du spectre) et ceux qui imposent des conditions strictes pour les flux transfrontaliers de données (ce qui les rend plus prescriptifs ; cf. le côté gauche du spectre). En outre, étant donné que les approches restrictives et protégées reposent principalement sur des mesures de localisation, elles sont représentées à l’écran à l’aide d’un graphique. Mesures de localisation, elles sont représentées à l’extrémité gauche du spectre. Toutefois, l’approche spécifique de chaque pays est indiquée dans le tableau pour plus de clarté.
Alors que seuls quelques pays ont choisi d’adopter une approche légère ou restrictive/prudente, la plupart des pays du tableau ont adopté une forme de cadre réglementaire prescriptif sur les flux de données transfrontaliers. Les économies ayant adopté une approche prescriptive sont réparties dans plusieurs régions et ont des niveaux de développement différents : Algérie, Argentine, Bahreïn, Biélorussie, Brésil, Colombie, Côte d’Ivoirel, Malaisie, Tunisie et Union européenne, pour n’en citer que quelques-uns. Dans ces cas, au lieu de restreindre complètement les flux de données transfrontaliers, les réglementations intègrent des exigences de conformité pour les transferts de données transfrontaliers (généralement pour les données personnelles).
Ces exigences de conformité peuvent aller de très contraignantes à modérément contraignantes, généralement en fonction des intérêts et des objectifs réglementaires spécifiques de chaque pays : une approche d’adéquation stricte (couplée à des dérogations limitées) ; des mécanismes contractuels ou de certification approuvés pour les transferts de données transfrontaliers ; évaluation réglementaire au cas par cas de transferts de données ; transferts de données basés sur le consentement (exprès ou implicite) ; et transferts basés sur des considérations juridiques (par exemple, conformité avec le droit national ou un traité international), ou pour protéger des intérêts publics vitaux.
Il est à noter que la majorité des cadres réglementaires prescriptifs concernent les données à caractère personnel. Toutefois, ces réglementations ont une application potentiellement large, car la plupart des ensembles de données contiennent au moins quelques données personnelles identifiables. Malgré l’absence de consensus international sur la protection des données et de la vie privée, plusieurs pays adoptent ou mettent à jour leurs lois sur la protection des données, en suivant certains principes communs, tels que ceux contenus dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ou dans le General Data Protection Regulation
Le règlement UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE dit règlement général sur la protection des données (RGPD, ou encore GDPR, de l’anglais General Data Protection Regulation), est un règlement de l’Union européenne qui constitue le texte de référence en matière de protection des données à caractère personnel. Il renforce et unifie la protection des données pour les individus au sein de l’Union européenne.