Christine Lagarde maintient l’objectif des 2% d’inflation pour la Banque centrale européenne. C’est ce qu’elle a déclaré lors d’une interview à CNBC. En effet, il y a une grande variation des prix depuis la pandémie, avec une hausse notable récemment. La cause principale de cette hausse serait liée aux prix de l’énergie. Même s’il y a une hausse des prix, Christine Lagarde se base sur les données et les projections de la Banque centrale pour affirmer que l’objectif des 2% sera atteint.
Inflation, Covid, révision de la stratégie
Le bilan des deux ans de Christine Lagarde est chargé. “La première chose qui a vraiment frappé notre écran radar a été la crise du Covid, où un pays après l’autre s’est verrouillé, a arrêté son activité, et où nous avons dû réagir extrêmement vite. Ensuite, j’ai eu certains problèmes avec une cour nationale qui voulait contester la validité de ce qui avait été fait. Et j’avais initialement prévu de lancer une révision de la stratégie de la Banque centrale, qui n’avait pas eu lieu au cours des 17 dernières années. Nous l’avons commencée, nous l’avons suspendue, nous l’avons recommencée et maintenant nous l’avons terminée. Dans l’ensemble, ces deux années ont été très, très occupées, avec un engagement massif pour soutenir l’activité économique, malgré cette terrible pandémie qui nous a tous frappés.”
Il y a globalement une reprise de l’inflation beaucoup plus rapide que prévu et une perturbation des chaînes d’approvisionnement à travers la planète. Elle répond à cela par la nécessité d’attendre les bons chiffres. “Ce qui est vrai, cependant, c’est que nous avons revu à la hausse le nombre de nos projections au cours des trois derniers trimestres. Les choses se sont accélérées – et c’est vrai pour la croissance, c’est vrai pour l’inflation et c’est vrai pour l’emploi. Donc, d’une certaine manière, c’est un ensemble de bonnes nouvelles parce que cela signifie que nos économies réagissent, que des emplois sont à nouveau créés. Les activités de services, qui ont été complètement en panne pendant si longtemps, reviennent maintenant à plein régime. Tout cela est donc positif, mais induit bien sûr des frictions et des goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement qui ont été perturbées par la pandémie, et où la remise en route de la machine prend du temps.”
Prévisions de croissance optimistes
Elle est optimiste pour la croissance : “Dans l’ensemble, tout cela – nous l’espérons – durera en ce qui concerne la croissance, afin que l’activité se poursuive.” Pour les prix, elle estime un retour prochain à une plus grande stabilité au cours de l’année à venir :”Si l’on examine les causes de cette hausse, on constate qu’elle est en grande partie liée aux prix de l’énergie. Il y a un an, les prix étaient au plus bas. Ils ont bien sûr augmenté et la différence explique une grande partie de l’inflation que les gens connaissent malheureusement en ce moment. Il en va de même pour certains effets de la TVA, lorsque celle-ci a été réduite afin de stimuler l’activité. En Allemagne notamment, la TVA est de retour. Il s’agit donc d’un autre effet de base, si vous voulez, qui explique les niveaux de prix que nous observons actuellement.”
Lutter contre le chômage
Pour la première fois depuis de très nombreuses années, la marge de manœuvre dans la zone euro est en train de se réduire, ce qui signifie que les salaires sont également en hausse parce qu’il n’y a pas assez de personnes pour occuper les postes vacants. Christine Lagarde exprime la volonté de la BCE de lutter contre le chômage : “Oh oui, nous sommes très attentifs à cette question de la marge de manœuvre, et il y a encore beaucoup de marge de manœuvre en termes d’emploi. Nous avons toujours au moins un million de chômeurs de plus aujourd’hui qu’avant la pandémie. Il y a donc encore beaucoup de chemin à parcourir pour que l’emploi retrouve les niveaux d’avant-la pandémie. Nous espérons que cela se produira et, à mesure que nous comblerons cet écart, il est clair que l’activité économique continuera d’être stimulée et que nous verrons un mouvement sur le front de l’inflation.”
La BCE est pour le calibrage, pas le tapering
A la question du tapering, elle répond que la BCE est pour le calibrage (le tapering désigne la réduction progressive de la politique d’assouplissement monétaire (quantitative easing) menée par la Fed (Banque centrale américaine) depuis fin 2010.) : “La BCE est pour le calibrage, parce que cela a été notre politique : notre politique monétaire est destinée à fournir des conditions de financement favorables. Pourquoi cela ? Parce que nous voulons soutenir les acteurs économiques – qu’il s’agisse des ménages, des entreprises, des grandes sociétés, des souverains – qui ont tous besoin de conditions de financement favorables pour traverser ce pont vers la phase post-pandémique. Et pour s’assurer qu’il existe des conditions de financement favorables, nous examinons l’ensemble de la chaîne de financement. Nous examinons les perspectives d’inflation et nous déterminons le niveau de soutien monétaire nécessaire, ce qui nous aide à calibrer les achats que nous jugeons nécessaires – c’est pourquoi nous avons calibré et décidé d’acheter modérément au cours du prochain trimestre.”
Les prévisions d’achat et l’horizon de projection sont indécis
Les prévisions d’achat sont flexibles : “C’est l’une des caractéristiques du PEPP, comme nous l’appelons, le programme d’achat d’urgence en cas de pandémie. Parce que nous voulons nous adapter, nous voulons avoir la capacité d’opérer vraiment au plus près des variations pour nous assurer que les conditions de financement restent favorables. Cela fonctionne donc dans les deux sens : si nous constatons qu’une réduction des achats permettra d’obtenir ces conditions de financement favorables, nous achèterons moins ; si nous constatons qu’une augmentation est nécessaire, nous augmenterons les achats.”
Le Financial Times a publié un article basé sur un appel entre des économistes allemands et l’économiste en chef de la BCE, selon lequel, peu après l’horizon de projection, l’inflation atteindra 2 %, et ils en ont conclu qu’une hausse des taux pourrait être envisagée dès 2023. Elle réfute cette affirmation : ”Si nous continuons à avoir une bonne politique monétaire à l’avenir, à un moment donné, nous devrons atteindre la barre des 2 %. Parce que c’est notre travail ; la stabilité des prix est définie dans le cadre de notre nouvelle révision de la stratégie par référence à la marque des 2% d’inflation, qui est identifiée sur une période de temps – parce que nous n’allons pas répondre de manière abrupte, nous n’allons pas nous fier à un seul chiffre. Mais bien sûr, nous pensons que si notre politique monétaire est efficace, nous atteindrons effectivement les 2 % d’inflation.”
La position de la BCE est que l’inflation devait être de 2 % au milieu de la période de projection, et jusqu’à la fin de son horizon :”Nous voulons également nous assurer qu’au moment où nous parlons, donc au moment où nous examinons la situation économique, les facteurs sous-jacents nous donnent suffisamment confiance pour que nous atteignions cet objectif à moyen terme.”
Les goulots d’étranglement au coeur du problème
Avec un prix sans précédent du gaz, et la sortie de la pandémie, il y a beaucoup de goulots d’étranglement : “Il y a une pénurie d’offres par rapport à une demande beaucoup plus élevée. Il y a une période d’ajustement qui se déroule en ce moment. En général, ce que nous avons vu dans les circonstances précédentes, les crises précédentes, les pénuries d’approvisionnement précédentes, les goulots d’étranglement, c’est que cela se résout au fil du temps. Lorsque vous ne pouvez pas obtenir vos pièces de rechange d’une source particulière, vous essayez d’identifier une autre source. Rappelez-vous certains de ces dommages très graves causés aux chaînes d’approvisionnement, par exemple lorsqu’il y a eu des tsunamis ou des incidents très dramatiques au Japon, en particulier. Tout le monde pensait que la chaîne serait endommagée et perturbée pendant les 12 mois suivants. Eh bien, en l’espace de trois mois, les approvisionnements ont été identifiés, de nouvelles chaînes d’approvisionnement ont été mises en place.”
Elle a ajouté : “Les choses vont se mettre en place à mesure que de nouvelles sources d’approvisionnement seront identifiées. L’énergie est un problème qui va probablement durer plus longtemps parce que nous sommes en train de passer de sources d’énergie alimentées par l’industrie fossile à ce que nous aspirons à être des sources beaucoup moins fossiles. C’est donc une transition qui est en cours.”
La transition énergétique a un effet déflationniste
A la question sur la transition vers un monde sans CO2 avec des aspects ou des forces déflationnistes ou plutôt inflationnistes, Lagarde a répondu : “L’intuition que j’ai eue en lisant certaines de ces études est qu’il est probable que les prix augmentent pendant une courte période et qu’ils pourraient avoir un impact déflationniste par la suite. Mais il est très, très prématuré et il est encore trop tôt pour se prononcer.”
Lors de l’interview, il a été question de plusieurs sujets d’ordre international : la réunion de la Fed pour la voie de sortie de ses mesures extraordinaires, la crise chinoise d’Evergrande et les élections allemandes, puis françaises et italiennes.