Shiran Ben Abderrazak, directeur exécutif de la fondation Rambourg, revient sur le prix de la fondation Rambourg dédié aux arts visuels contemporains.
Lors de la troisième édition de son prix dédié à l’art contemporain, la fondation Rambourg a récompensé trois artistes et en a sélectionné douze. Ce prix a comme vocation initiale, comme le dit Shiran Ben Abderrazak, de récompenser tous les deux ans, “l’innovation des jeunes créateurs artistiques et culturels.”. Au départ, il a été conçu et cofondé avec Elizabeth Krief. Mais le prix de la fondation Rambourg proprement dite est né en 2015, il a été attribué pour la première année en 2016. La troisième édition devait avoir lieu en 2020, malheureusement la pandémie a reporté l’événement en 2021.
Le prix de la fondation Rambourg a récompensé trois artistes pour sa troisième édition : Aïcha Snoussi à la première place pour son oeuvre “Underwater”, Mouna Karray à la deuxième place avec “Les patrons de Ferdousse” et Othman Selmi pour la mention spéciale du jury pour “Périple à travers les bars méditerranéens”. Le premier prix est une dotation de 50 000 DT, le deuxième prix une dotation de 20 000 DT et le prix de la mention spéciale de 10 000 DT. Le jury a également sélectionné douze artistes qu’il a présentés au public.
Pour cette édition, la Fondation Rambourg a décidé de concentrer son périmètre au champ de l’art contemporain. Il récompense des artistes par leur vécu, leur nationalité, leur lien avec la scène tunisienne ou leur culture, ce qui diffère des années précédentes où le concours était réservé exclusivement aux Tunisiens.
L’édition 2021 se distingue des autres éditions. “Au fur et à mesure du lancement du prix, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait une certaine difficulté à ouvrir le champ à trop de disciplines artistiques et créatives. En effet, trop de disciplines compliquent la question des critères et du jury. Donc nous avons décidé après l’édition 2018 de refonder le prix et de le concentrer autour de l’une des sphères de l’art, à savoir l’art contemporain, et plus précisément les arts visuels.”
Objectifs : valoriser un art dont le potentiel n’est pas exploité
Les objectifs de ce prix sont nombreux. Ils visent à faire la promotion d’un secteur qualifié par Ben Abderrazek de “parent pauvre de l’art tunisien”. En effet : “Très peu de musées privés sont dédiés à cela”. Les œuvres sont peu accessibles au public : pas de musée consacré aux arts visuels contemporains, pas de budget qui y est consacré au niveau national et peu de musées privés qui en font leur activité. “L’histoire de cet art n’est pas visible et on ne peut pas le percevoir. Il y a peu de visibilité au public : les collections privées ne sont pas accessibles au plus grand nombre, et en ce qui concerne les galeristes, il y a peu de galeries qui y sont consacrées, à l’exception de la galerie Alexandre Roubtzoff ou certains avec l’école de Tunis.”
L’art est une discipline qui accorde une place prépondérante aux sens. Ben Abderrazak l’exprime ainsi : “Une peinture à l’huile est une chose très sensible. Il faut être en confrontation physique pour vraiment la comprendre, en évaluant la force des traits par exemple.”
Il encourage les artistes, esthéticiens et artistes en devenir à persévérer dans leur discipline. “Nous faisons ce prix pour encourager les artistes de cette scène-là et leur dire de s’accrocher et de faire connaître leur art au grand public. C’est inadmissible pour un pays comme la Tunisie, avec toute son histoire en art plastique, de ne pas avoir de musée qui montre à tout un chacun l’Ecole de Tunis et ceux qui l’ont suivie. Le prix permet également de structurer une scène, d’attirer l’attention des marchés internationaux et de soutenir des artistes qui vont gagner ce prix.” Il rappelle que la sélection faite par le jury est plus vaste que les trois finalistes, et qu’elle comprend douze artistes pleins de talents.
Une évaluation ardue faite par un jury de spécialistes
En nous concentrant sur les arts visuels contemporains, nous avons choisi un jury de spécialistes pour la dernière édition. “En concentrant le prix sur les arts visuels, il était beaucoup plus facile de choisir un jury spécialisé dans les différentes facettes de cet art.”
Les critères sont nombreux. Ils visent l’objectivité et la gratification de divers aspects de la discipline artistique des créateurs. Le prix avait vocation à récompenser le parcours des artistes. “Un artiste se définit par un cycle de création, l’histoire de cette création, généralement liée à son histoire propre. L’idée était de soutenir des artistes dont le parcours était à récompenser.”
Puis les critères s’élargissent. “A partir de là, les critères étaient l’originalité dans la démarche, la persistance dans les questionnements et le processus de création. Nous avons également demandé aux artistes de déposer dans leurs candidatures le projet sur lequel ils étaient en train de travailler. L’idée était de voir la cohérence du projet avec leur parcours, leur manière de tenir un discours sur leur création et sur eux-mêmes.” Sans oublier la capacité de l’artiste à mettre en relation son public avec son oeuvre : “Enfin, la qualité, la manière et la conception de la médiation culturelle.”
Le prix de la fondation Rambourg caractérisé par son indépendance
Le prix de la fondation Rambourg est le seul prix issu des privés dédié aux arts visuels en Tunisie. “Il y a largement de la place pour d’autres. D’ailleurs, il y a trois fondations privées qui s’intéressent à l’art contemporain : nous, la fondation Lazaar qui même si n’octroie pas de prix, fait un travail formidable avec sa station d’art le B7L9 et l’ouvrage Artistes de Tunisie qu’ils ont édité, et Talan, qui, avec son mécénat d’entreprise, a soutenu l’art par le biais de son exposition commissionnée par Aïcha Gorgi.”