« Comme tous les secteurs, personne dans le domaine des médias n’est épargné par l’introduction du digital et la démocratisation de l’Internet, avec les implications que nous connaissons du changement sur l’offre et, surtout, sur le comportement des lecteurs plus qui vire largement vers l’instantané », atteste Sahar Mechri, directrice exécutive Le Manager.
‘Travailler’ l’info et changer de Business Model
Elle dépeint un nouvel environnement au sein duquel la production de l’information subit son lot d’ambivalence : « Certes, il y a des menaces, mais il faut aussi convenir que nous nous trouvons face à des opportunités véhiculées, justement, par l’enrichissement des médias écrits avec de la voix et de la vidéo ; une manière de présenter l’info de la manière la plus ludique, si l’on peut dire. Beaucoup de voix se sont élevées ces dernières années pour crier au crépuscule des médias écrits mais aujourd’hui, la presse écrite est toujours là alors que nous sommes en 2021. Par contre, il faut prendre très au sérieux la nécessité d’adapter le contenu entre digital et papier : se rendre compte que l’on ne présente pas l’info de la même manière. Le papier reste d’actualité car les gens s’y attendent à des documents de référence, tout ce qu’il faut savoir dans un même document. » Pour Sahar Mechri, ce qui fait la différence c’est la manière de ‘travailler’ l’info jumelée à un changement de Business Model.
Et ce n’est pas Sofiene Boussetta, DGA iFM, qui la contredira. En vérité, il va dans le même sens : « La transformation digitale s’est plutôt exprimée dans l’évolution de la radio vers la radio filmée ; aujourd’hui, grâce à la technologie, on ‘regarde’ la radio ! ». Pour lui, s’il est vrai que nous sommes à l’ère du digital et que l’évolution se fait à un rythme rapide, il reste cependant que les gens écoutent encore la radio. Il ajoute qu’il y a un travail à faire sur chaque canal, y compris les réseaux sociaux qui eux-mêmes sont multiples dans leur abord. « Nous ne sommes plus dans la configuration classique pour attirer plus de consommateurs et capter l’intérêt des annonceurs ; switcher une partie de l’investissement Pub sur Google, Youtube, Facebook… est une partie de notre réalité ; seulement il s’agit de ne pas rester esclave de ces fameux GAFAM car nous, médias, courons le risque d’en rester tributaires ; nous sommes obligés de suivre. Nous devons trouver des solutions à cette situation », avertit-il.
« Nous faisons ‘entrer’ les lecteurs dans notre marque ! »
Sahar Mechri revient sur l’identité-même des médias écrits : « Nous partageons le marché avec les agrégateurs ; notre plus est le contenu. Pour un mensuel ou un bimensuel, il s’agit d’offrir un contenu qui n’existe pas dans le digital (où le temps alloué à la lecture est réduit), nos lecteurs s’attendent à un certain niveau dans le support papier. Lorsqu’on se déplace pour acheter le magazine, il y a une relation qui se bâtit au fil des années. Pour nous, cela demande beaucoup de rigueur. Pour l’annonceur, c’est par choix du format. »
Pour l’anecdote, elle rappelle qu’au plus fort des premiers moments de la Covid-19, elle a été obligée d’arrêter la parution papier du Manager pour deux mois et c’est là que les lecteurs l’ont relancée. « L’annonceur est conscient que la valeur est dans la proposition de contenu, créer le récit, construire le contenu en relation avec la communauté. Aujourd’hui, j’ai beaucoup moins de demande de pub contre plus de contenu parce que je vais alors sur place pour faire ressortir ce qui fait la différence de telle entreprise, comment elle met en place son expérience client. Quand nous parlons à un partenaire, il y a de la valeur à ramener. C’est en cela que le Business Model change ; si le lecteur veut une info de qualité, il le paye mais notre vocation est de lui donner un contenu à valeur ajoutée », commente-t-elle.
Sahar Mechri précise son attitude : elle ne raisonne pas en termes de presse écrite et de presse web, mais en termes d’expérience consommateur : « Nous offrons un univers complet ; notre lecteur peut écouter des podcasts dans sa voiture, il a le journal en ligne quand il est connecté, quand il a le temps il peut lire le magazine papier, on lui propose des Events et du Networking. On s’associe et on fait entrer les lecteurs dans notre marque : nous l’accompagnons toute la journée ! ».
Autant dire beaucoup de travail, et un effort d’anticipation. Elle le dit clairement : « Les chiffres sont en baisse pour la presse papier, mais il y a une stratégie pour la vente, là où le gain n’est pas sur la vente mais la pub et la création de contenu. Dans tous les cas, la vente en kiosque est un indicateur et il faut se préparer en conséquence. »