Le président de la République Kais Saied a entamé aujourd’hui une visite d’État en Libye. Il s’agit de la première visite officielle d’un président tunisien dans le pays voisin depuis 2012 lorsque Moncef Marzouki lui a dédié sa première visite à l’étranger.
La visite est “purement politique”, selon la présidence tunisienne, alors que les milieux économiques tunisiens réclament de longue date une relance des échanges commerciaux. La Tunisie, pour laquelle la Libye était un débouché majeur et en pleine croissance en 2011, a vu les échanges commerciaux s’effondrer notamment depuis 2014.
Les fermetures répétées de la frontière, en raison du conflit, et plus récemment de la pandémie de Covid-19, ont mis à mal notamment les circuits de l’économie informelle ― source de revenu pour des milliers de familles. Selon un rapport de l’ONU, la crise libyenne aurait coûté à la Tunisie 24% de sa croissance économique entre 2011 et 2015. Outre les conséquences économiques, la situation libyenne a eu un impact sécuritaire majeur d’où l’attention particulière portée par la Tunisie à la transition libyenne.
Cette visite va-t-elle donc redonner un nouveau souffle aux relations entre les deux pays ? Pour l’analyste politique Youssef Cherif, les relations entre les hommes d’affaires tunisiens et leurs homologues libyens ont toujours été étroites. Et de préciser: “Plusieurs hommes d’affaires libyens se sont installés en Tunisie après la crise et ont même transféré leurs comptes bancaires ici”.
Pour Youssef Chérif, il faut se poser la question sur la capacité des entreprises tunisiennes à concurrencer celles de l’Égypte et de la Turquie “qui éclipsent les groupes tunisiens”. Aussi, explique l’analyste, ces entreprises jouissent de l’appui de leurs États respectifs “qui ont engagé des stratégies de longue durée”.
En revanche, Chérif estime que la main-d’œuvre tunisienne devrait garder sa place privilégiée sur le marché de l’emploi libyen grâce à un accès facile à la Libye, surtout du côté occidental, et aux canaux déjà existants. “Ceci n’est certainement pas le cas pour les turcs qui ont aussi un problème de langue”, a-t-il affirmé.
Une visite symboliquement importante
Tous ces éléments font que la visite de Saied ne pourra pas à elle seule avoir un impact important sur le crous des relations économiques entre les deux pays. “Bien qu’importante, cette visite reste avant tout symbolique”, a affirmé Chérif. “Le président”, a-t-il ajouté, “n’a pas grand chose à offrir et les Libyens qui suivent de très proche la politique tunisienne en sont parfaitement conscients.”
Chérif a déploré en revanche l’absence d’une stratégie claire par rapport à la Libye. L’ombre de cette faible présence tunisienne sur la scène libyenne se fait clairement sentir. Pis encore, l’analyste estime que la marge de manœuvre de la Tunisie en Libye restera limitée à cause de la profonde crise politique que vit actuellement le pays. “Les hommes d’affaires et la société civile ont déjà commencé à prendre la relève”, a indiqué Chérif. “Ceci peut compenser, du moins partiellement, la faible action gouvernementale à ce sujet”.