Loin de l’analyse de la situation, le rapport du FMI a donné des chiffres intéressants quant aux années à venir. Rien ne semble plus marcher. Plus que jamais, les réformes urgent.
1/ Une croissance de 3,8% contre 4% selon les estimations du Gouvernement. C’est un très faible rythme qui ne permettra pas de résoudre les problèmes profonds du pays. Plus grave encore, les projections pour les années suivantes ne permettraient pas de rattraper les pertes en valeurs ajoutées affichées en 2020. C’est un message clair et fort du FMI quant à l’obsolescence du modèle économique de la Tunisie et la gravité de ne pas lancer immédiatement les réformes.
2/ L’inflation sous-jacente passerait à 6% en 2021 (contre 5,5% en 2020) et devrait augmenter progressivement jusqu’à dépasser les niveaux de 2018, soit 7,7% en 2025. Cet indicateur montre que non seulement les prix continueraient à augmenter, conduisant à des pressions sociales très importantes, mais que le Taux Directeur ne baisserait pas. La politique monétaire risque même de se resserrer davantage, ajoutant un autre facteur handicapant l’investissement.
3/ Le taux d’épargne national devrait s’effondrer à 0,9% du PIB en 2021 (10% en 2018), ce qui signifie que tous les revenus générés sont quasiment dépensés. Cette hypothèse est en phase avec celle d’un coût de la vie encore plus cher. Ce taux de ne dépasserait pas le cap des 2% d’ici 2025, ce qui complique davantage la mobilisation des ressources internes pour la relance économique.
4/ L’investissement pèserait 10,5% du PIB en 2021 (21,1% en 2018) et devrait s’inscrire sur une tendance baissière à partir de 2023. Le climat des affaires resterait donc peu porteur, et le manque de ressources à des taux accessibles et l’absence de réformes ne feraient que limiter le spectre des opportunités de création de valeur pour les investisseurs. En d’autres termes, le chômage persistera encore et les contestations sociales risquent d’être plus que jamais violentes.
5/ La masse salariale de la fonction publique continuerait à représenter une partie très importante du PIB, soit 17,5% en 2021 et baisserait progressivement à 16,5% à l’horizon 2025. Cette proportion n’accorde aucune marge de manœuvre pour l’exécutif qui continuerait à allouer peu de recettes à l’investissement public. En l’absence de réformes allégeant sa charge, la Tunisie n’a aucune chance d’atteindre ses objectifs d’assainissement budgétaire.
6/ Il y aura une baisse significative des subventions énergétiques qui seraient de 1,8% du PIB en 2021. Elles passeraient sous le seuil de 1% dès 2022. Certes, c’est l’une des raisons qui a poussé le FMI à anticiper un retour de l’inflation dans l’économie durant les prochaines années. Cette politique allégerait les dépenses de l’État, mais il faut penser à orienter l’enveloppe qui reste à ceux qui la méritent vraiment. C’est un autre chantier que l’État doit entamer, qui nécessite un travail de digitalisation et d’exploitation des bases de données disponibles.
7/ Le financement net intérieur serait de 5,1% du PIB en 2021 mais persisterait à des niveaux élevés durant les prochaines années, supérieur à 3% d’ici 2025. En valeur absolue, les chiffres sont de l’ordre de milliards de dinars. Le rythme des émissions de BTA/BTCT s’accentuerait, ce qui implique la persistance des taux à des niveaux élevés d’une part, et un transfert continu du risque souverain vers le secteur bancaire d’autre part. La qualité des bilans risque de se dégrader et l’échéancier des dettes internes devrait atteindre un pic à partir de 2027.
8/ Le déficit de la balance commerciale se stabiliserait à plus de 9%. Le modèle économique resterait le même, avec des exportations principalement axées sur le textile et les Industries Mécaniques et Électriques, qui consomment beaucoup de matières premières importées. Il n’y aurait pas de changements majeurs vers l’exportation de services à fortes valeurs ajoutées capables de réduire le gap.
9/ En net, les IDE ne dépasseraient pas 2% du PIB d’ici 2025, montrant que la Tunisie restera toujours une destination peu attractive pour les investisseurs étrangers. Cela explique également le rythme de croissance attendu pour les prochaines années. Puisque l’épargne national devrait s’estomper, nous avons besoin de flux étrangers pour compenser ce manque, d’où la nécessité de déverrouiller tous les secteurs économiques au secteur privé.
10/ La dette publique externe resterait supérieure à 81% durant toutes les prochaines années. Le calendrier des échéances à payer devrait continuer à mettre de la pression sur les avoirs en devises. À l’état actuel, la Tunisie remboursera 13 734 millions de dollars sur la période 2021-2025, des montants loin de pouvoir générer facilement.
Après ces chiffres, nous pensons que nous devons tous laisser de côté nos divergences pour sauver ce qui reste. À bon entendeur.