Supposés être une richesse, les phosphates se sont transformés en un cauchemar depuis 2011. C’est un problème tentaculaire, auquel aucun Gouvernement n’a pu trouver de solution et la responsabilité est partagée par toutes les parties prenantes.
Pour les habitants du bassin minier, personne ne peut nier qu’ils n’ont pas bénéficié d’un vrai plan de développement depuis des décennies. Il n’y a ni infrastructure, ni structure hospitalière, ni qualité de vie digne de ce siècle. Le sort d’un jeune natif de cette zone était quasiment prédéfini : né pour bosser dans les mines.
Et si la question s’arrêtait là, le problème aurait été moins aigu. En réalité, la CPG et le GCT offraient également des postes de premier rang pour les cadres hautement qualifiés qui, dans leur majorité, n’étaient pas originaires du bassin. Ils bénéficiaient d’avantages importants et vivaient généralement dans des cités dédiées, sans une vraie intégration dans la société locale. Au fil du temps, ces comportements ont créé un sentiment de mépris chez la population qui n’a pas raté la révolution pour prendre sa revanche.
Mais les habitants du bassin ont oublié que ces sociétés ne sont pas des puits sans fonds. Vus, comme les entités les plus riches de la Tunisie, la CPG et le GCT ont perdu en moins de dix ans l’assise financière dont ils disposaient en 2010. Le volume de leurs activités a progressivement fondu sous le poids des arrêts de travaux d’extraction. Alors que la production de phosphate était de 8,1 millions de tonnes en 2010, elle n’est plus que de 3,1 millions de tonnes en 2020 selon les chiffres publiés hier par l’INS. La valeur ajoutée du secteur a reculé de 34% sur le dernier trimestre par rapport à la même période en 2019.
Les solutions mises en place depuis des années, avec les sociétés de l’environnement, de plantation et de jardinage qui offrent des emplois fictifs à des milliers de jeunes en contrepartie d’une paie sociale. La conséquence était prévisible : le groupe est incapable aujourd’hui de payer les salaires de ses employés qui sont déjà en excès par rapport à ses vrais besoins. Nous sommes devenus un pays importateur d’engrais chimiques pour sauver la saison agricole, une honte nationale.
Même une recapitalisation de ces deux sociétés ne les sauvera pas car cela risque d’accentuer les demandes de recrutement. Il faut changer de modèle et s’orienter plus vers la création de tout un écosystème autour de cette richesse. Ces sociétés, qui sont parmi les plus polluantes en Tunisie, ont l’opportunité d’utiliser le levier de la finance verte pour collecter des ressources et mettre en place des plans pour développer de nouvelles activités, en partenariat avec le secteur privé, dans des domaines à forte employabilité.
Pour mettre en place ce genre de plans, et tenant compte de l’état actuel de l’administration tunisienne, il faut des années alors que la situation est urgente. La communication jouera un rôle primordial à ce niveau car l’utilisation de la force ne rime à rien. Il y a encore une chance pour sauver ce pays, ne la ratez pas.