Taux d’intérêt : tout dépend de l’inflation
Les taux d’intérêt pratiqués par les banques dépendent du Taux Directeur, et ce dernier résulte de l’inflation, sous-jacente en particulier. En 2021, l’État compte rembourser des dettes internes (en principal) de l’ordre de 4 995 MTND. Théoriquement, c’est une bonne nouvelle car il y aura des liquidités importantes à injecter dans le circuit. Mais l’historique de la gestion de l’endettement souverain tunisien et l’évolution attendue des recettes fiscales nous apprennent que l’État va plutôt échanger des titres de créance par d’autres à maturités plus longues plutôt que de rembourser. De plus, rien pour le moment n’indique que le projet de LdF 2021 n’implique pas l’intention de faire appel aux services de la BCT en matière de planche à billets.
Idem pour l’endettement extérieur qui s’avère très ambitieux. Obtenir 16 608 MTND de ressources extérieures, dont 10 290 MTND d’une sortie sur les marchés internationaux pose plus d’une question. Avec la dégradation des perspectives à négatives par Fitch et en l’absence d’un accord avec le FMI, il faut comprendre que l’État va compenser ce manque par des sorties en interne par des montants qui dépassent de loin les 2 900 MTND envisagés.
2021 est donc une année de resserrement, car l’État va ponctionner une bonne partie de la liquidité disponible avec des taux d’intérêt élevés. Bien que la BCT ait toujours accepté de refinancer les crédits d’investissement pour les banques qui en demandent, cette forte intervention aura un effet négatif. L’augmentation des risques dans l’économie va réduire l’engouement des établissements de crédits à aller davantage dans le financement des entreprises.
Nous allons donc être proie à deux forces contradictoires : d’une part, la dégradation des conditions de vie qui devraient interdire une hausse particulière de la consommation et freiner l’inflation ; et d’autre part une forte intervention de l’État qui reste en fonction de la coopération de la BCT. Si l’institution de Mohamed V accepte, ce qui est très difficile, c’est que l’inflation serait au rendez-vous. Cela signifie une augmentation du Taux Directeur.
À notre avis, c’est le seul cas qui poussera la BCT à réviser à la hausse ses taux en 2021. Il y a une conscience que les investisseurs ont besoin de meilleures conditions de financement pour sortir de la crise.
Taux de change : pas de risque pour le dollar
De même, l’évolution du taux de change sera intimement liée au Budget de l’État. Si ce dernier compte sur l’intervention de la BCT, il faut logiquement s’attendre à une dégradation du dinar.
Mais dans une évolution normale, il n’y a pas de risques majeurs pour notre monnaie. Les avoirs actuels en devises permettent d’éviter tout défaut de paiement en 2021. Une crise prolongée signifie une meilleure balance commerciale, et une reprise conduira à une plus grande dynamique dans la rentrée des devises. La BCT a bien réglementé le marché et nous ne voyons pas de risques particuliers.
Mais l’évolution dépend également de celles des principales devises. Le dollar sera plus faible si un vaccin anti COVID-19 est mis effectivement sur le marché et donne satisfaction. Cela va susciter l’intérêt pour les actifs risqués et donc accentuer les ventes de dollar. Le dinar devrait donc souffrir plutôt face à un Euro nettement plus fort en 2021. Ce n’est pas une très grande nouvelle puisque 10 millimes de plus dans 1 € signifie 138,8 MTND additionnels dans le service de la dette !
Épargne : l’année de la Bourse
En 2021, il y a le choix surtout si l’ARP accepte la proposition de porter les plafonds des Comptes Épargne en Actions et l’Assurance Vie à 100 000 TND. L’année serait donc très prometteuse pour les placements en Bourse. La Place financière connaîtrait une nouvelle IPO, à savoir celle d’Assurances Maghrebia, et une nouvelle dynamique devrait s’instaurer.
Pour les profils qui cherchent un meilleur rendement qu’un Taux de Rémunération de l’Épargne mais qui sont averses aux risques, les véhicules de placements collectifs sont une bonne opportunité. Sur un nuage depuis quelques mois en matière de collecte, ces fonds ont pu récupérer de l’argent grâce à la baisse des taux. L’argent qui les a quittés il y a deux ans vers des produits monétaires est en train de rebrousser chemin.
Les OPCVM qui ont souscrit dans des crédits obligataires ou dans des BTA lors des pics des taux en 2017-18 devraient assurer un rendement supérieur à celui de l’épargne classique au moins pour les trois prochaines années. L’État continue à s’endetter à des taux élevés et déconnectés du Taux Directeur, une tendance en faveur des fonds obligataires. À cela, il faut ajouter l’avantage de la flexibilité de gestion de trésorerie qu’offrent les OPCVM.
Immobilier : rentable mais illiquide
Pour l’immobilier, il ne faut pas espérer une reprise en 2021. Bien que la Loi de Finances propose d’offrir de nouveaux avantages aux nouveaux acheteurs, avec une baisse mensuelle de 100 TND dans l’IRPP, la difficulté de la situation économique globale reste un défi. De plus, il faut reconnaître que les principaux acteurs du marché ont historiquement été des personnes qui tentent de placer de l’argent non déclaré. Plus le fisc resserre l’étau, plus le marché perd en vitesse.
Mais en tant que placement, il faut plutôt penser à l’immobilier locatif, surtout pour les entreprises. C’est une affaire gagnante car ce que nous remarquons aujourd’hui est une hausse inédite des loyers destinés aux entreprises même hors des zones huppées de la capitale. Même si ce n’est pas rentable immédiatement, cela reste un bon placement à terme.