À l’aube de la pandémie, de nombreuses industries ont commencé à avoir du mal à s’adapter à cette nouvelle ère. Là où la numérisation est le principal facteur pour assurer que le flux de travail est aussi normal qu’il peut l’être dans un temps de grandes incertitudes. L’Association des économistes euro-méditerranéens a organisé un webinaire pour discuter de l’impact sur l’industrie culturelle et créative (ICC), le 19 novembre 2020, intitulé « Impacts de la COVID-19 sur l’industrie culturelle et créative (ICC) en Méditerranée : quel rôle pour la numérisation ? ».
Quand bien même les ICC contribuent jusqu’à 5% au PIB, selon Nizar Hariri, professeur agrégé et chercheur à la Faculté d’Économie du Liban. Elles sont menacées et fragiles d’après Rym Ayadi, présidente de l’EMEA. La majorité des travailleurs et des artistes de l’industrie sont des freelancers ou des employés informels et saisonniers. Les ICC ont été profondément touchées parce que la majorité d’entre elles n’ont pas de filet de sécurité, en l’occurrence une sécurité sociale.
La digitalisation et l’industrie culturelle et créative
La relation entre les ICC et la numérisation est en quelque sorte emmêlée. D’un côté, l’UNESCO en 2015 affirme que d’une part, les biens culturels numériques sont la plus grande source de revenus pour l’économie numérique et d’autre part, la numérisation renforce la demande sur l’ICC car pour certains marchés, il est impossible d’accéder autrement. D’un autre côté, le piratage numérique représente un enjeu majeur pour les biens créatifs et culturels, car il facilite la possibilité de les copier et de les assimiler en ligne.
À vrai dire, la COVID-19 a touché différemment les sous-secteurs de l’ICC. Les secteurs les plus touchés sont les théâtres, les musées et les salles de concert. Cet impact est d’autant plus vrai au sud de la Méditerranée où il y a eu une forte baisse des revenus du secteur touristique. Bon nombre de ces petites entreprises ne pouvaient pas passer en ligne, ce qui pourrait les mener à leur fermeture permanente. Dans une recherche en cours menée par Cultural Relations Platform, sa coordinatrice Sana Ouchtati a souligné qu’un musée sur dix ne rouvrira pas après la pandémie.
Pourtant, il y avait une demande accrue pour d’autres biens culturels pendant le confinement, notamment les émissions de télévision, les films et la musique. Ce qui a augmenté les revenus des grandes sociétés et des plateformes de streaming. Mais dans la région MENA, où l’industrie de la production dépend largement de la coproduction avec des sociétés européennes et américaines, elle a été réduite en raison des restrictions de voyage.
Il y a de ce fait un écart dans l’évaluation de la situation et de l’effet de la COVID-19 entre les pays, les régions et même les secteurs en raison du manque de données et de la nature informelle de l’ICC. Les panélistes étaient unanimes à dire qu’il fallait faire plus de recherches et de sondages et ce, pour montrer aussi l’importance de l’ICC dans les finances publiques.
La numérisation offre d’énormes opportunités aux ICC, mais cela dépend de la façon dont elle sera mise en œuvre. Par conséquent, des ressources sont nécessaires pour construire l’infrastructure et la rendre accessible, vu que 60% seulement de la région MENA sont connectés en ligne, a déclaré Ouchtati. Le financement public est limité, surtout à cette époque, car il s’adressait surtout aux secteurs primaires et le statut d’artiste n’est pas reconnu dans de nombreux pays. Encore une fois, il diffère d’un pays à l’autre comme par exemple en Tunisie, l’État a créé le Fonds Relance Culture pour soutenir les artistes, intermittents, opérateurs et espaces culturels privés.
Le rôle du secteur privé
L’ICC compte beaucoup sur les donateurs privés, les philanthropes, l’UE et la société civile pour soutenir ses activités. Au Liban par exemple, la diaspora joue un rôle très important en soutenant les artistes. Jihen Boutiba, Secrétaire Générale de BUSINESSMED, a souligné l’importance du rôle du secteur privé pour soutenir l’ICC. Selon elle, les fonds doivent être dirigés surtout vers la formation professionnelle pour mettre en œuvre la numérisation dans l’industrie, car il n’est pas soutenu efficacement. Et les investissements devraient être réglementés pour les hubs des startups culturelles.
Le financement participatif (crowdfunding) peut également compléter bon nombre des différents problèmes des ICC dans la période COVID-19. Mauricio O’Brien, Country Manager pour l’Espagne, European Crowdfunding Network (ECN), estime que cette période a prouvé l’importance de l’impact culturel de la communauté. Grâce à la numérisation, des moyens immergés de financement participatif ont été utilisés.
Internet a permis aux artistes de se connecter directement avec leur public et de les motiver à participer au financement participatif. Et les motivations peuvent différer des raisons alternatives et philanthropiques à l’investissement pour le profit. Bien qu’il ne remplace pas le financement, il peut permettre à de nombreux projets de rester opérationnels grâce à la solidarité et à la coopération.