Un écosystème bouillonnant de startups commence à émerger, un boom de startups africaines aiguise l’attention des investisseurs. L’innovation ne manque pas dans le continent, elle est conçue par les africains et pour les africains. Des speakers de haute voltige ont partagé et échangé leurs expériences avec les participants lors du deuxième « Africa means Business ». Un afterwork organisé tous les premiers jeudi du mois par le magazine le Manager et l’agence de communication Maap.
Le continent connaît un dynamisme sans précédent. Et pour preuve, quelque 160 startups africaines étaient présentes l’année dernière au salon Vivatech, à Paris. Les levées de fonds en Afrique ont explosé ces dernières années. Elles ont carrément été multipliées par 8 pour s’élever à 2020 millions$ en 2019. C’est le chiffre publié par Partech Africa Venture Capital 2019. C’est dire l’énorme potentiel de création de startups dans un continent où la population est jeune et le mobile fait sa révolution. Même la mise est essentiellement raflée par trois pays en l’occurrence le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Égypte, le nouveau venu sur le podium, qui a détrôné l’Afrique du Sud. Ce quartet, à lui seul, accapare 85% du total des fonds. Les investisseurs sont bien conscients de ce potentiel, leurs engagements sur l’early stage ont quadruplé entre 2015 et 2019. Autre spécificité, le continent n’a pas à rougir au niveau genre, les startups fondées par des femmes captent 13% du total des fonds et 17% du nombre de transactions. Les chiffres l’attestent, ils ont fait le pari de l’Afrique. Plus précisément, c’est le secteur des fintechs qui accapare la part du lion. Incontestablement, aujourd’hui, nous connaissons une innovation élaborée par les africains et pour les africains. La question est comment s’inscrire dans cette démarche et surfer sur cette vague ?
Il faut chasser en meute
Aller en Afrique en solo c’est se vouer à l’échec, a déclaré Slim Ben Ayed, chef de département commercial chez TMI, une société d’intégration de solutions informatiques qui a réussi à gagner des appels d’offres dans 18 pays africains. Un exemple de réussite. « Notre devise a toujours été de chasser en meute. Etablir des clusters est primordial. C’est ainsi que nous fonctionnons à TMI. Nos partenaires sont à l’origine de presque deux sur trois des marchés que nous obtenons », a-t-il insisté. Il explique que les entreprises tunisiennes, notamment les SSII, sont de très petite taille et qu’elles ne peuvent pas répondre aux besoins d’un continent immense. Et pour préciser, « le besoin est vertical, il faut présenter des solutions clé en main engageant plusieurs prestataires. Les solutions doivent intégrer le conseil, la solution technologique et l’applicatif métier ». Faisant part de son expérience, il explique qu’il faut plus cibler des pays qui ne sont pas sous des régimes autoritaires. « Ces pays mettent des restrictions sur Internet, ce qui nous freine dans la transmission et l’envoi des documents », lance-t-il.
Houyem Ghrairi, fondatrice et CEO de GT Consulting, un cabinet de conseil qui accompagne les entreprises dans plusieurs pays africains dans le domaine de la cyber sécurité et des Télécoms, affirme, de son côté, l’importance de fonctionner en partenariat. « Je n’accepte pas un projet si je ne maîtrise pas très bien le domaine d’activité et si je ne trouve pas le bon partenaire. Avoir un carnet d’adresses de partenaires locaux est avantageux », a-t-elle déclaré. Les présents insistent sur l’importance de mettre en place des relations business de long terme gagnant-gagnant et instaurer un climat de confiance.
Une histoire de mindset
Pour sa part, Houyem Ghrairi affirme qu’un des secrets de sa réussite dans le continent est cet esprit de partage. « Certains se plaisent à faire de la rétention d’informations, croyant ainsi qu’ils vont se réserver les marchés, alors que l’expérience a montré qu’ils agissent à l’encontre de leurs intérêts. Ils sont plutôt en train de rater des opportunités ». Et d’insister, « ce n’est pas du tout la bonne approche. La coopération permet des synergies et une création de valeur. « Il y a du business pour tous ». Anis Zouari, directeur Conseil & Risk Advisory à Deloitte Gabon, affirme que le potentiel est tellement énorme sur plusieurs secteurs tels que l’IT, l’enseignement, l’agroalimentaire, l’industrie en général… « Il faut simplement bien se renseigner et bien préparer sa stratégie », stipule-t-il.
La connaissance du marché local est cruciale. C’est dans ce sens que Laurent , fondateur de l’incubateur Kufanya, qui accompagne aujourd’hui une quinzaine de porteurs de projets subsahariens en Tunisie, précise que le business en Afrique se base sur la confiance, une confiance familiale. Les porteurs de projets subsahariens ont une très bonne connaissance des habitudes et des usages de leurs pays. Des partenariats avec des entrepreneurs tunisiens seraient pour ces derniers une alternative d’accès au marché africain sûre et bon marché. « La coopération est aujourd’hui une nécessité et non pas une négociation », se plaît-il à répéter avec force conviction. De plus, l’incubateur Kufanya est en contact avec les étudiants africains. Ces derniers peuvent être, eux-mêmes, les relais locaux des entreprises tunisiennes une fois rentrés chez eux. « Ils seront plus enthousiastes et passionnés qu’une personne sur place qui n’a pas d’attachement avec la Tunisie. Il faut juste les accepter dans vos entreprises pour des stages ou des contrats de travail, les encadrer et les coacher », lance-t-il.
« Il faut faire de telle sorte que les 7000 étudiants africains en Tunisie soient une opportunité économique», a précisé Laurent Paul Nyobe Lipot. A ce titre, Houyem Ghrairi a attiré l’attention sur le fait de sensibiliser les citoyens à se comporter avec ces derniers à plusieurs égards. « Les étudiants africains vivent des situations racistes, et c’est scandaleux !», a-t-elle martelé avec amertume. Ceci ne diminue en rien sa conviction. Elle en est intimement persuadée « le continent est notre nouvelle frontière, notre vocation, notre destinée ».