La filière Cuir et Maroquinerie, au-delà de l’éblouissement, un secteur avec ses atouts et ses facteurs de risque. Toute une histoire ! … Quelle feuille de route pour la Tunisie pour monter en gamme ? Pourquoi pas offrir des produits de luxe !
La Tunisie, l’histoire et les avantages du secteur
Notre pays, réputé depuis des années par les métiers manipulant cette matière noble qu’est le cuir tels que les Blaghjia (artisans des chaussures), les Sarrajine (fabricants de selles de chevaux), les Sakkajine (fabricants de cartables, valises, etc.). Une tradition qui date depuis le XVIIème siècle.
Cette réputation s’est forgée au fil des années grâce à un savoir-faire ancestral et une technicité qui ont permis l’élargissement de la production du cuir et de la maroquinerie. Les coûts de production attractifs qu’offre ce pays de la zone Euromed, la rapidité de la livraison et la proximité des centres de décision européens ont permis l’accroissement de la demande. La Tunisie s’est alors dotée d’un avantage compétitif face à d’autres pays lui permettant ainsi de développer un fort dynamisme dans la chaîne de la création, de la production et de la mise en marché. Toujours est-il, ceci concerne principalement la production des séries d’entrée de gamme, moyenne gamme et ponctuellement du haut de gamme.
Le luxe demeurant ainsi inexistant, le potentiel devrait être mieux exploité pour une éventuelle quête de l’excellence. Désormais, les performances en termes de productivité sont en dessous des moyennes internationales. En effet, depuis la révolution, il y a eu une baisse spectaculaire du nombre des entreprises. Ceci a engendré une régression de la production et de la productivité aggravée par les problèmes sociaux et les grèves récurrentes mais aussi par la croissance de l’importation massive et parfois illégale de produits similaires.
D’autant plus que ces derniers ne respectent pas les prix de référence locaux et manquent de rigueur dans l’application des textes réglementaires. Ce recul a de fait marginalisé les artisans dans les métiers du cuir, voire certains qui ont disparu comme la fabrication de selles de chevaux, la dorure sur cuir, etc. Cela est dû de même au manque d’implication des jeunes pour en faire leur métier afin de maintenir ce précieux patrimoine culturel. Toutefois, c’est une fierté de dire que malgré toutes ces contraintes et obstacles, le pays compte certaines usines de production qui existent depuis longtemps. Nous citerons, à cet effet, la marque tunisienne de maroquinerie CRK dotée d’une multiplicité de gammes englobant les sacs, les cartables, les petites maroquineries, etc.
Fondée en 1986 par Raja Khrouf et appuyée aujourd’hui par Mahmoud Khrouf, l’entreprise compte à son actif une centaine d’employés, plusieurs boutiques réparties dans différentes régions du pays et a opté, depuis 2013, pour un repositionnement de la marque vers le haut de gamme (qualifié de « luxe intermédiaire »). Le challenge serait d’offrir un produit luxueux à un prix abordable et ce, eu égard à la technicité et le savoir-faire de la marque. CRK jouit en l’occurrence d’une notoriété qui lui a permis certes de fidéliser sa clientèle au fil du temps, mais qui la pousse aujourd’hui à partir à la conquête de nouveaux consommateurs à l’affût des modèles «tendances ». Pour cela, la marque ne lésine pas sur les efforts matériels (accessoires importés de l’international) et humains (avec des formations et un apprentissage en continu) qui vont justifier sa pérennité dans le temps.
Notons également que le potentiel du marché est encore important. En témoigne l’existence de nouveaux acteurs dynamisant l’offre des produits en Tunisie. Il s’agira des créateurs qui ont su profiter de cette opportunité. La créatrice Dorra Zayani et fondatrice de la marque tunisienne ZAYN, créée en 2013, soutient que “le marché s’y prête, qu’il y a de la demande mais qu’il n’est guère évident !” Car pour offrir un produit haut de gamme voire de luxe, il faudrait le temps nécessaire de fabrication. Partant de l’ambition de créer des sacs bijoux, originaux (mélange de plusieurs matériaux) et de très bonne qualité, les processus de fabrication et de finalisation des modèles de la marque ZAYN sont plus compliqués, nécessitant la plupart du temps un travail sur deux ateliers et du handmade.
Outre le fait que la créatrice Dorra Zayani soit très exigeante pour la qualité des produits, elle prône le sens du détail à tous les niveaux (modélisation, prototypage, finition, qualité des accessoires, etc.). Il est à noter enfin que tout cela a un coût élevé et demande beaucoup de minutie et de patience de la part du producteur, une main-d’œuvre soignée, bien évidemment des matériaux de haut de gamme (qui malheureusement sont inexistants) et des machines performantes (permettant la précision dans la fabrication de nos créations).
Un nouveau paysage de la maroquinerie et du cuir … Pourquoi pas !
Les sacs à main cuir haut de gamme, les articles de bagagerie, la petite maroquinerie moyenne et haut de gamme constituent des activités à fort potentiel de développement.
L’existence d’une forte tradition de production conjuguée à l’existence d’anciens et de nouveaux acteurs permettront à la Tunisie d’avoir un bon positionnement. Toutefois, plusieurs insuffisances handicapent leur avenir et peuvent être transformées en perspectives d’avenir. Une feuille de route pour monter en gamme.