Alors que le Chef du gouvernement vient d’annoncer les termes de l’accord menant à la levée du sit-in à El Kamour, Mohamed Madhkour, Associé ADVI Consulting, réagit en se posant des questions, non seulement sur l’aptitude de la Région à assurer la bonne gouvernance des mesures induites, mais aussi sur leur bien-fondé et leur aptitude à lancer Tataouine sur les bons rails.
“Le Conseil régional de Tataouine a-t-il défini un schéma et un processus transparent pour gérer ces 80 milliards qu’il va engranger suite à l’accord qui lève le sit-in à El Kamour ? Va-t-il opter pour des subventions à effet de levier ou bien des dons purs et simples ?”, s’interroge Mohamed Madhkour, Associé ADVI Consulting, sur l’aboutissement de l’affaire El Kamour. Selon lui, il s’agit là d’un point culminant dans toute l’affaire car au début, le Conseil régional et l’État étaient en désaccord sur la nature de l’enveloppe ; là où l’État la voulait sous forme de crédits. Désormais, il s’agit basiquement de cash et notre interlocuteur averti sur les périls de cette configuration en citant l’exemple du bassin minier où le même choix a été fait avec un résultat décrit comme une catastrophe par la Cour des comptes.
Non à la fragmentation, oui aux PME
Mohamed Madhkour nous semble ouvertement méfiant à propos de cette histoire de cash de plusieurs dizaines de millions de dinars. De fait, après des mois de négociations, le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, vient d’annoncer la levée du sit-in à El Kamour grâce à un accord final dont les principaux termes sont :
- 80 MD annuels pour alimenter le Fonds de développement et d’investissement de la région de Tataouine
- Crédits de financement de 1000 projets avant fin 2020
- Recrutement de 1000 agents dans la société de l’Environnement
- Rattachement des sociétés de l’Environnement au ministère de l’Agriculture
- 100 crédits de 2,2 MD pour le financement de projets
- 1,2 MD au profit des Associations du développement
- 2,6 MD au profit des municipalités de la région
- 1,2 MD pour l’Union Sportive de Tataouine (UST).
Des termes dont la plupart suscitent plus que des interrogations de la part de notre interlocuteur qui critique les crédits de financement de 1000 projets avant fin 2020 tout de go : « Cette fragmentation n’aura pas d’impact majeur sur le développement de la région. Ce qui manque à Tataouine, ce sont les PME. Elle a besoin de champions pour assurer un vrai début d’essor. Mais là, les 80 MD ne suffiront pas ! »
Attention au modèle périlleux de l’assistanat social !
Réagissant à la mesure qui concerne le recrutement de 1000 agents dans la société de l’Environnement, notre interlocuteur nous confie qu’il suspecte la reprise, encore une fois, du modèle inutile et périlleux de l’assistanat social : « Nous sommes loin de la fidélité de rigueur à propos de la logique purement économique. Exactement comme ces 1000 projets qui ne feront pas bouger les indicateurs de taux d’absorption de la région. »
Mohamed Madhkour est pourtant plus tolérant quand il s’agit de l’enveloppe de 1,2 MD au profit des Associations du développement : « L’essentiel du tissu de ces associations se consacre aux micro-crédits ne dépassant généralement pas les 5 mille dinars et nous savons qu’elles ont de grands problèmes de recouvrement. Une partie de l’enveloppe servira certainement à renflouer leurs caisses et ce n’est pas une mauvaise chose. Chez ADVI Consulting, nous avons travaillé avec elles et nous connaissons leurs déficiences de gouvernance et c’est sur ce point en particulier que je conseillerais de les soutenir. »
Pour Madhkour, l’image globale que renvoie cet accord ne sort malheureusement pas de l’assistanat : « Il y a deux ou trois mois, avec les ministres impliqués dans le dossier El Kamour, j’avais insisté sur le fait que rien dans le document (qui était alors en préparation) ne présageait d’une sortie de Tataouine de la mélasse du manque de développement. Pas d’étude digne de ce nom, pas de projets structurants, pas de pari sur la formation de hautes compétences locales. Et les choses vont persister dans ce sens quand on sait que le Conseil régional de Tataouine a déjà signifié qu’il n’avait besoin de personne pour savoir ce qui convient à ses ouailles. Je ne suis pas contre le fait de lui faire confiance mais il faut qu’il soit redevable, au même titre que toute structure d’obédience publique. »