La création de l’Association internationale pour le contrôle du tabagisme et la réduction des risques (SCOHRE) a été annoncée, à la clôture du 3ème Sommet Scientifique pour la Réduction des Risques Tabagiques qui s’est déroulé virtuellement au mois de septembre à Athènes. Quarante scientifiques de 21 pays des 5 continents* ont voté et ont approuvé la déclaration présentée et formulée par les fondateurs de l’association. La participation Tunisienne à ce sommet au nom de la STTACA et à travers son président, le Professeur Fares Mili a été contributive et appréciée.
Bien que les effets nocifs du tabagisme sur la santé soient connus depuis des décennies, plus de 1.1 milliard de personnes fument encore dans le monde, ce qui représente 1/7ème de la population mondiale et plus de 8 millions de personnes meurent chaque année à cause des maladies liées au tabagisme. Selon l’OMS, plus de 7 millions d’entre eux sont des consommateurs ou d’anciens consommateurs, et environ 1,2 million des non-fumeurs involontairement exposés à la fumée. Alors que le taux de tabagisme tend à baisser dans les pays développés, la consommation de la cigarette continue de grimper à un taux d’environ 3,4 % par an dans les pays en développement.
Dans un climat épistémologique où les perceptions sur les effets de la nicotine sont en contradiction avec le consensus médical, le Sommet Scientifique pour la Réduction des Risques Tabagiques s’est fixé comme objectif de fournir aux parties prenantes des informations scientifiques équilibrées sur les effets de la nicotine. La nicotine a un potentiel de dépendance mais n’est pas la cause de mortalité liée au tabagisme. En effet, elle est même utilisée avec succès dans les thérapies de lutte contre le tabagisme et elle est déjà utilisée pour la réduction des méfaits de la cigarette. À cet effet, le Professeur Karl Fagerstrom, reconnu mondialement pour avoir développé le test de dépendance à la cigarette, a souligné le rôle de la nicotine dans la réduction des méfaits : « La nicotine est un paramètre important pour aboutir à la réduction des méfaits. C’est certes un facteur de dépendance, mais elle pourrait dans une certaine mesure faire partie de la solution au problème si le besoin de fumer la cigarette pouvait être remplacé par la consommation de nicotine pure. Ce qui doit être mis en avant est le problème du tabagisme et particulièrement du tabac fumé ou combustible » et ajoute « ce n’est pas la nicotine qui cause le plus de dommages mais les sous-produits générés par le phénomène de la combustion ».
Dans ce sens, le Professeur Fagerstrom a donné l’exemple de Public Health England qui a fait de la cigarette électronique son cheval de bataille pour faire face au tabagisme. “Aujourd’hui, les e-cigarettes restent l’outil le plus utilisé pour arrêter de fumer, car il s’agit d’une approche plus facile et plus progressive, caractérisée par une grande similitude avec la cigarette”, a-t-il déclaré. “Lorsque les fumeurs veulent arrêter de fumer, ils décident de l’approche qu’ils utiliseront en tenant compte à la fois de la similarité avec la cigarette et de sa nocivité”.
Les professionnels de la santé doivent continuellement sensibiliser les fumeurs et les populations dans leur ensemble aux effets néfastes du tabagisme, le sevrage tabagique et la prévention du tabagisme restent les interventions les plus efficaces pour minimiser les risques et les méfaits.
À une époque où le progrès et l’innovation technologique s’accélèrent, de nouvelles approches fondées sur des alternatives potentiellement plus sûres que la cigarette apparaissent pour les fumeurs qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas arrêter complètement de fumer ou ne le souhaitent pas, à savoir la réduction des méfaits du tabac.
Le Dr Michael Toumbis a présenté les données récentes sur la lutte antitabac et les progrès réalisés dans ce domaine, en soulignant que, bien que la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) fournisse une stratégie globale aux pays membres pour lutter contre l’épidémie de tabagisme, elle n’opte malheureusement pas encore pour la stratégie de réduction des risques dans le tabac (la Tobacco Harm Reduction), sauf dans le cas de l’utilisation des Thérapies de remplacement de la Nicotine (Nicotine Replacement therapies) tels que les patchs de nicotine à titre d’exemple, mais dont les données ont montré qu’elle est moins efficace pour arrêter de fumer que les alternatives plus efficaces mentionnées ci-dessus.
Malheureusement, a- t- il poursuivi, le rythme actuel des progrès dans la lutte antitabac n’est pas assez rapide et il convient donc d’approuver tous les moyens efficaces de l’accélérer. “L’approche de réduction des risques peut compléter les efforts actuels de prévention et de sevrage tabagique qui ont fait leurs preuves”, a déclaré le Dr Toumbis. “L’opportunité dépend de la recherche d’un équilibre approprié entre la sécurité des produits, l’attrait pour le consommateur et les réglementations visant spécifiquement à réduire l’utilisation de produits du tabac conventionnels et brûlés”.
Le 3ème Sommet Scientifique pour la Réduction des Risques Tabagiques de cette année, a clairement démontré, encore une fois, que les experts s’intéressent de plus en plus aux nouvelles approches de la lutte antitabac et a relancé le débat sur la réduction des effets négatifs du tabagisme. Notamment, l’une des conclusions du sommet de cette année c’est que les stratégies de lutte contre le tabagisme devraient être remodelées pour inclure la réduction des dommages par l’utilisation de produits alternatifs potentiellement à moindre risque qui s’avèrent de plus en plus efficaces avec chiffres à l’appui, en plus des mesures traditionnelles de sevrage tabagique et de prévention du tabagisme qui ont prouvé leur efficacité limitée dans les pays en voie de développement.
La réduction des risques peut aider ceux qui, pour diverses raisons, ne sont pas en mesure d’arrêter de fumer. Ce groupe de fumeurs ne doit pas être abandonné par les politiques de lutte contre le tabagisme. Lorsque l’arrêt du tabac échoue à plusieurs reprises, le passage à des produits moins nocifs aura un effet positif pour de nombreux fumeurs.
Expert renommé en réduction des risques, Clive Bates a souligné que « la communication des risques pour la santé publique est essentielle pour les politiques et programmes de lutte antitabac, car les perceptions de la population ciblée peuvent grandement affecter leurs résultats et leur efficacité. La question est de savoir comment le système réagit lorsqu’il est perturbé par une innovation importante. Il continue plus ou moins à tourner le dos à la nouveauté, cela implique un déni de réalité et des outrages anti-scientifiques ».
Au cours de l’année dernière, un plus grand nombre d’autorités réglementaires ont envisagé désormais de permettre la vente d’autres produits du tabac potentiellement moins dangereux, moyennant des informations précises, à l’instar de la FDA qui en juillet dernier a autorisé aux États-Unis la commercialisation d’un système de chauffage électronique du tabac en tant que « Produit du Tabac à Risque Modifié » (MRTP – Modified Risk Tobacco Product). L’agence a ainsi conclu que ce produit de tabac chauffé est fondamentalement différent de la cigarette combustible et un meilleur choix pour les fumeurs car les évidences scientifiques sont suffisantes, après des années d’études, que ce produit ne brûle pas le tabac et réduit significativement l’exposition de l’utilisateur aux composés toxiques et potentiellement toxiques comparé à la cigarette conventionnelle.
C’est le deuxième produit du tabac à recevoir cette autorisation MRTP de la FDA aux USA après celle du SNUS.
Le débat sur la réduction des risques du tabagisme est encore davantage de recherches et de publications sont nécessaires pour sensibiliser aux connaissances existantes, et créer davantage de possibilités d’éducation des experts en politique de santé, des autorités de réglementation et du grand public et ainsi expliquer correctement les avantages de cette approche, tout en répondant de manière appropriée aux préoccupations telles que l’utilisation continue de la nicotine et la dépendance à celle-ci, ainsi que l’adoption potentielle de la consommation par des jeunes et des personnes n’ayant jamais fumé.
En plus des États-Unis et de la Grande-Bretagne, bien que plusieurs pays dans le monde aient adopté l’approche de réduction des risques, ce débat se heurte souvent à une forte opposition de la part de certains acteurs, notamment les organismes politiques et réglementaires tels que l’OMS qui continue à tourner le dos aux nouvelles alternatives de réduction des risques tabagiques et particulièrement de la stratégie de réduction des risques qui fait pourtant partie intégrante de l’ADN de l’organisation.
Il est nécessaire d’intensifier les efforts et de tirer parti des compétences reconnues déjà existantes dans de nombreux pays. C’est ainsi qu’une association internationale d’experts internationaux en matière de lutte contre le tabagisme et de réduction des risques a vu le jour ralliant des scientifiques des médecins, des experts en réglementation et en sciences du comportement, des universitaires, etc. ce qui permettra de construire un dialogue ouvert et pragmatique et contribuerait à l’élaboration d’une nouvelle approche plus large des politiques de lutte contre le tabagisme.
Le focus serait autour des piliers fondamentaux tels que :
- Preuves et évidences scientifiques, y compris le partage et la diffusion des données scientifiques les plus récentes, l’identification des lacunes de la recherche, la vérification indépendante des données du secteur.
- Aspects comportementaux – accent sur les fumeurs – quels sont les besoins de ceux qui veulent arrêter de fumer, ainsi que la manière d’aider efficacement ceux qui ne sont pas disposés à le faire.
- Recommandations et stratégies réglementaires.
- Établir un dialogue avec les experts politiques et les régulateurs au niveau international, européen et national.
- Les valeurs et les objectifs de cette association sont résumés dans sa déclaration de mission formulée par ses membres fondateurs.