L’engouement pour les startups n’a jamais été aussi fort. Dans un écosystème qui s’apparente bien à une presque bulle perfusée, l’évaluation des startups prend tout son sens. Le Tunisian Women Business Angel Network DAMYA a organisé dans ce sens le Damya meetup sous forme de webinaire autour de “La valorisation de Startup et l’Angel Investment”. Le webinaire a été modéré par Douja Gharbi, présidente de DAMYA et fondatrice de l’accélérateur Red Start. Ont participé au débat Slim Moalla, fondateur de Evolia Capital et Aston technologies, Emna Jallouli, co-fondatrice de med.tn et Chiraz Ennaceur, CEO Corrosion Radar.
“La valorisation des startups doit être réinventée à l’ère du digital. C’est du cas par cas”, a martelé d’emblée Slim Moalla. Le choix d’investissement peut avoir trait à des facteurs objectifs comme à des facteurs subjectifs. Le profil du promoteur, ses softs skills autant que ses hard skills ainsi que la synergie entre l’équipe sont des éléments déterminants, affirme Slim Moalla.
Le business angel souligne que lorsqu’il s’agit d’investissement, les startups sont considérées comme étant un sujet à risques multiples, c’est pour cela que la question de la valorisation reste le dernier chiffre à discuter véritablement. Il déclare que peu importe le sujet, l’investissement est un défi, et l’acte d’investir n’est pas toujours synonyme de plaisir.
Et d’ajouter: “La cible, la nature de l’activité et les conditions de sortie” sont également des éléments à considérer. À ce titre, Chiraz Ennaceur qui a fondé sa startup à Londres déclare que les trois principaux facteurs que les investisseurs considèrent sont l’équipe, le marché et la technologie. De son côté, Slim Moalla insiste que la valorisation d’une entreprise technologique est complètement différente de celle d’une entreprise industrielle. Ce n’est pas le RBE qu’on examine en premier lieu mais la technologie. Et d’insister :“C’est elle qui va porter la scalabilité du projet. Et à ce titre, il faut bien challenger l’entrepreneur”.
Du moment que la réussite du projet est intimement liée à l’engagement et aux compétences de l’entrepreneur, il est très important que les investisseurs lui permettent un certain confort. À ce titre, Chiraz Ennaceur précise que le porteur du projet qui aurait probablement renoncé à des positions à plus forte rémunération doit garder sa motivation en maintenant une part conséquente du capital. Emna Jallouli corrobore dans le même sens en affirmant que pour les levées de fonds ultérieurs, il est primordial que le porteur du projet ait au moins 20% du capital. Clairement, les décisions prises durant les premiers pas de la startups conditionnent son développement, insiste-t-elle.
“Quand tout le monde affirme avoir la meilleure technologie, ce n’est pas toujours vrai”
Une autre particularité, selon Slim Moalla, à laquelle les investisseurs doivent prêter attention quand il s’agit d’entreprise à forte composante technologique: la dette technique. En effet, les failles techniques peuvent hypothéquer l’avenir de l’entreprise. Elles émanent généralement de ce qu’on n’a pas voulu faire ou ce qu’on n’a pas pu faire correctement. Clairement, les porteurs de projets se targuent de détenir les meilleures technologies, il est alors impératif d’établir des audits techniques, challenger la technologie adoptée, les mesures de sécurité.
Le juridique, à aborder avec des pincettes
“Le juridique est tout simplement la réalité”, martèle Slim. Et il ajoute : “S’il y a des zones d’ombre juridiques, il y aura un moment où la réalité finit par nous rattraper et cela donnera lieu à de vrais débats très constructifs où finalement l’investisseur devra faire des arbitrages”. Ce volet est d’autant plus important en Tunisie où établir un vrai pacte d’actionnaires est très onéreux et peut être hors de prix pour les jeunes porteurs de projets. Investir selon lui, c’est mettre en place beaucoup de stratégies, des jeux de psychologie. “Il faut bien challenger les promoteurs mais jamais les heurter, il faut savoir les approcher, les écouter, leur donner le temps de travailler, et ce, afin de surmonter les failles. À ce titre, il précise que ces négociations ne sont pas faciles et que c’est tout un métier à apprendre. Moalla invite les structures d’appui à former des angels. Et Slim Moalla de conclure avec force conviction :“Formez les investisseurs, formez les angels, échangez avec les porteurs de projets en toute transparence, ne leur vendez pas du rêve”.