L’Office National du Tourisme Tunisien (ONTT) a dévoilé depuis quelques jours la nouvelle identité visuelle du brand « Tunisie ». Une identité ayant suscité une polémique sur la toile. Rappelons que l’ONTT a choisi de confier la réalisation du logo au « street artist » tunisien El-SEED, connu pour ses graffitis et calligraphies.
Pour analyser une action de communication au-delà du « j’aime » ou « je n’aime pas », nous revenons sur le volet technique et stratégique.
La création d’une identité visuelle par un artiste est un choix risqué
La création d’une identité visuelle représente un enjeu stratégique pour les marques. C’est un maillon indispensable qui a pour objectif de permettre la reconnaissance de la marque, de la positionner sur le marché et de véhiculer ses valeurs. Une identité visuelle réussie nécessite non seulement de l’expertise technique mais également de s’imprégner de la stratégie de la marque, de ses objectifs, de son persona, etc.
Lors de la création d’une identité visuelle, le graphiste ou le directeur de création fait appel à sa créativité tout en respectant les orientations stratégiques de la marque, soit le brief créatif. Ce qui n’est pas le cas pour un artiste peintre.
En effet, l’œuvre est une représentation subjective d’un sujet ou d’un objet. Une expression artistique qui répond à une seule règle : le langage et l’imagination d’un artiste. Une œuvre ne parle pas explicitement. Elle inspire et suscite des réactions. El-SEED a peint la Tunisie comme il la voit et non comme elle devrait être représentée pour le public cible. À travers un prisme personnel et subjectif, il a créé une œuvre et non un logo.
Rebranding : on ne change pas de logo comme on change de chemise !
Le rebranding est le processus de changement stratégique de l’image d’une marque, avec pour objectif de repositionner la marque sur le marché par rapport à sa cible, ses messages, ses concurrents et son offre.
Or, la politique publique du tourisme en Tunisie n’a pas changé depuis des décennies. La stratégie de l’État a favorisé le tourisme de masse en misant sur le concept de « All inclusive » et l’hôtellerie balnéaire. La Tunisie est donc positionnée comme étant la destination « soleil » à bas coût.
Alors, le nouveau logo de la Tunisie traduit-il la stratégie du tourisme en Tunisie ? Absolument pas !
Au-delà de l’aspect esthétique, le nouveau logo qui s’appuie sur la calligraphie comme élément graphique central, renvoie à l’identité arabo-islamique de la Tunisie et traduit son héritage et patrimoine culturel. Il positionne la Tunisie comme une destination culturelle par excellence. Il y a donc une incohérence entre l’image véhiculée par le logo et la réalité de l’offre touristique en Tunisie et la stratégie de l’État.
Cette incohérence n’est point l’erreur de l’artiste. Mais celle du choix stratégique de l’institution. La Tunisie n’a pas besoin actuellement d’un nouveau logo, d’ailleurs le changement annuel du logo de la destination « Tunisie » est une action inefficace. Le changement de logo doit se faire uniquement si la stratégie globale du secteur et de sa communication changent. Nous pouvons citer ici l’exemple de la France qui n’a pas changé de logotype depuis 12 ans.
Il est temps au ministère du Tourisme et à l’ONTT de comprendre que le rebranding et l’affichage urbain sont des moyens de communication non seulement coûteux mais en plus inefficaces s’ils ne sont pas accompagnés d’autres actions de communication. Qu’à l’ère du numérique, cette communication reste dépassée. Qu’une communication ponctuelle ne suffit pas à elle seule pour promouvoir tout un pays, tout un peuple, toute une culture. Il est temps de repenser la stratégie du secteur et sa communication !