Toutes les entreprises ont été touchées par la crise. Mais les PME, particulièrement celles dirigées par des femmes, courent un risque disproportionné. Pis encore, les plans de relance entamés par les gouvernements ne tiennent pas en considération des barrières existantes et souvent enracinées qui impactent les femmes entrepreneures. Un rapport publié aujourd’hui par UN Women, ImpactHER et la BAD a mis le focus sur ces obstacles tout en proposant des mesures capables de corriger ce déséquilibre. Focus.
Pour bénéficier des mesures de soutien, plusieurs gouvernements africains ont exigé le dépôt de garanties. Bien que cela peut sembler de prime abord sensé, de telles conditions peuvent en revanche représenter des obstacles aux entreprises dirigées par des femmes.
Or, plusieurs études ont montré que les femmes africaines n’ont pas un accès égal aux garanties. Ceci fait donc que les entreprises dirigées par des femmes seraient automatiquement exclues de l’accès à ces mesures de relance. Les auteurs du rapport ont également noté que de nombreuses mesures de soutien ont été conçues sous forme de garanties de prêt. En procédant de la sorte, les gouvernements ont, inintentionnellement, limité l’accès des entreprises dirigées par des femmes à ces mesures. Au fait, une grande partie de ces entreprises n’ont pas de relations préalables avec les institutions financières.
La crise sanitaire pourrait donc contribuer à élargir l’écart de financement entre les sexes estimé actuellement à plus de 42 milliards de dollars. Que faire pour rectifier le tir ? Voici ce que proposent les auteurs du rapport.
Des mesures women-friendly
Dans le cadre de leurs mesures de soutien aux entreprises, les gouvernements sont appelés à mettre en place des mécanismes permettant un accès facile par les entreprises dirigées par des femmes. “Ces mesures pourraient être structurées de telle sorte qu’il y ait une allocation en pourcentage pour les PME dirigées par des femmes ou que des plans de relance distincts soient créés au profit de ces entreprises”, ont indiqué les auteurs du rapport.
Aussi, les gouvernements doivent concevoir des mesures dédiées particulièrement à ces entreprises telles que l’apurement des dettes fiscales, la mise en place de subventions ou de moratoires sur les loyers et les services publics, etc. Le conseil et l’assistance technique visant à accompagner les entreprises dirigées par des femmes dans le processus de demande d’accès aux mesures gouvernementales devraient également faire partie intégrante de ces programmes.
En ce qui concerne les exigences de garantie externe, ces derniers doivent être assouplies ou ne plus être imposées par les institutions financières pour les entreprises dirigées par des femmes, suggèrent les auteurs du rapport. Le rapport recommande aussi d’offrir des allègements fiscaux aux multinationales africaines qui sous-traitent la totalité ou une partie de leurs opérations à des PME africaines, en particulier des PME dirigées par des femmes. “Ces pratiques permettraient aux PME de renforcer leurs capacités tout en stimulant l’économie africaine”, lit-on dans le document.
De leur côté, les banques centrales et les institutions financières africaines sont appelées à offrir des prêts avec des taux d’intérêt réduits et une période de remboursement plus longue aux entreprises dirigées par des femmes et ce, pendant et après la pandémie. En outre, les banques centrales devraient exiger des processus de demande de prêt plus simples et plus transparents tout en accélérant les délais de traitement des prêts. Dans la même lignée, le rapport recommande de traiter le capital déployé par les investisseurs institutionnels et les gouvernements auprès des PME dirigées par des femmes comme un capital patient. “La plupart des entreprises dirigées par des femmes ont été considérablement perturbées par la COVID-19”, argumentent les auteurs du rapport.
Et pour aider les entreprises dirigées par des femmes à surmonter la crise, les gouvernements peuvent jouer la carte des achats publics en favorisant cette catégorie d’entreprises, notamment en ce qui concerne des produits et services liés à la réponse Covid-19. Les femmes devraient être impliquées dans les processus de formulation de la politique de relance économique en Afrique, en particulier ceux qui ont un impact sur les PME. La participation des associations professionnelles de femmes favoriserait des interventions ciblées qui répondent aux défis uniques auxquels les femmes entrepreneurs sont confrontées pendant et après la pandémie.
Le monde post-COVID-19 sera probablement très différent du monde dans lequel nous vivions il y a quelques mois à peine. Alors que les pays et les sociétés réfléchissent à leur avenir et que les plans et stratégies de relance sont en cours d’élaboration, il est possible de reconstruire en mieux et de remédier à certaines des failles pré-COVID qui ont conduit à des inégalités entre les sexes. Mais le monde est-il prêt à apprendre de ces fautes ?