Plateforme d’autorisations de circulation, site de réclamation des aides liées au chômage technique, … durant le confinement, le gouvernement a multiplié les initiatives digitales, lançant dans la foulée de nombreux services en ligne.
“Le climat d’urgence et la situation exceptionnelle par laquelle passait le pays ont créé la nécessité d’agir le plus rapidement possible sans se laisser freiner par les procédures administratives très complexes”, a indiqué Karim Koundi, associé Deloitte Tunisie. L’écosystème de l’innovation a aussi largement contribué à cette dynamique, en offrant à l’administration les propositions qui ont permis de développer ces solutions.
Crise révélatrice
“Cette crise a permis de montrer ce que pouvait engendrer les verrous de l’administration et a mis en valeur l’importance de la volonté et du sponsorship pour avancer rapidement”, a souligné notre interlocuteur. Ce serait dommage que cette dynamique soit momentanée et ne survit pas à la crise. C’est pour cela qu’il faut, selon Koundi, capitaliser sur ce phénomène pour pérenniser cette nouvelle approche.
La bonne nouvelle est que toute une réflexion a été lancée pour essayer de trouver les mécanismes qui vont permettre de pérenniser et de formaliser cette approche. “Durant la période du Covid, un comité mixte public-privé-société civile a été mis en place pour gérer toutes les propositions”, a précisé le consultant.
Koundi nous a informés que le ministère des TIC oeuvre actuellement pour faire évoluer ce comité et l’institutionnaliser. “Ce comité a déjà un nom, Tech4Tunisia”, a-t-il affirmé. Et d’ajouter : “Une entité juridique sera créée autour du noyau et lui sera confiée la gestion de ce projet”. Cette nouvelle entité va se reporter directement au conseil national du numérique, d’après Koundi. L’expérience digitale des services en ligne lancés par l’administration sera le focus de Tech4Tunisia. “Ces services doivent être gérés avec plus d’agilité”, a indiqué notre interlocuteur.
Le privé se digitalise (enfin!)
La digitalisation a également frappé le secteur privé de plein fouet. “Les entreprises ont découvert que le digital n’est pas uniquement un outil pour optimiser leurs opérations en interne”, a souligné Koundi. “Ces entreprises se sont rendues compte qu’il s’agit d’un outil clé pour développer de nouveaux services, de nouveaux canaux de vente et générer des revenus supplémentaires”.
Autre phénomène qui a vu le jour grâce à la crise, du moins en Tunisie : le télétravail. “Même l’administration s’y met”, affirme Koundi. L’expert a indiqué que de plus en plus d’entreprises veulent instaurer le télétravail de manière permanente ― pour une ou deux journées par semaine. “Les entreprises se sont rendues compte que le télétravail a permis une amélioration de la productivité et de la motivation en intégrant plus de souplesse”, explique-t-il.
Le télétravail aura aussi d’autres implications importantes, notamment sur le marché du travail, notamment dans les régions intérieures du pays: plus besoin de se déplacer d’une ville à une autre pour travailler ! Ce nouveau mode aurait aussi un impact important sur l’employabilité des femmes. Grâce au travail à distance, explique Koundi, ces femmes, dont la capacité de se déplacer est plus limitée que celles des hommes, auraient plus de chance d’être recrutées.
Le monde post-ubérisation
Uber et Airbnb, jadis les poster boys de la nouvelle économie de partage, se sont trouvés face à de grandes difficultés lors de cette crise. La gig-economy est-elle condamnée ? Pas selon Koundi. “C’est une crise qui a impacté tout le secteur et non pas l’économie de partage en particulier”, a-t-il expliqué. Cloués chez eux, les gens n’ont pas à prendre Uber ou à utiliser Airbnb. Mieux encore, l’expert estime que ces entreprises, plus flexibles, ont fait preuve de plus de résilience que les entreprises “classiques”.
Pourtant, Koundi pense que l’ubérisation est déjà dépassée. “Elle sera remplacée par une véritable économie de peer-to-peer basée sur le blockchain”, a-t-il affirmé. Cette technologie décentralisée va ainsi permettre aux citoyens d’échanger les produits et services ― et l’électricité ― sans passer par une entité centrale pour réguler les transactions. “Pourquoi devrons-nous continuer à acheter des voitures alors que celles-ci passent la plupart de leur existence dans le parking ?” s’interroge Koundi. L’alternative ? Les utilisateurs vont “louer” ce dont ils ont besoin juste au moment nécessaire. “Moins de produits seront fabriqués”, a ajouté l’expert.