Dans un contexte de crise économique accentué par l’épidémie, l’entrepreneuriat demeure la meilleure parade pour sortir de la précarité, vaincre le chômage et gagner son indépendance. Toutefois, la façon dont nous appréhendons l’entrepreneuriat aujourd’hui a besoin d’être profondément repensée.
La création d’un projet a toujours été perçue comme une aventure risquée et stressante car elle suppose la mobilisation de ressources et de moyens que nous n’avons forcément pas. Elle exige une idée originale, des études de marché, un Benchmarking, un business plan bien ficelé, etc. Une fois ces étapes franchies, le porteur de projet se heurte au problème de financement. Un calvaire sans fin. Des banques de plus en plus exigeantes, le manque d’apport personnel et de garanties, le manque de qualifications nécessaires pour rassurer les prêteurs de fonds, etc. Ce sont des facteurs qui entravent le passage à la phase de l’exécution.
L’approche classique de l’entrepreneuriat est très contraignante de part son processus immuable et statique qui requiert des planifications à chacune de ses étapes (l’intention, l’identification, l’évaluation et l’exploitation). Cette lourde mécanique entrepreneuriale empêche la genèse des petits projets et prend en otage tout esprit entrepreneurial.
Toutefois, plusieurs entrepreneurs aguerris nous montrent qu’il y a d’autres façons de faire, d’autres logiques et d’autres pensées plus réalistes. Pour réussir leur projet, ils recommandent l’adoption d’une logique dynamique et inductive.
La création d’un projet ne requiert forcément pas un business plan et n’exige ni une étude de marché ni un financement. Elle requiert seulement la valorisation des ressources en possession et une adaptation à la situation en cours. Cette approche alternative est connue sous le nom de l’Effectuation.
L’effectuation : un Entrepreneuriat pour Tous
L’approche basée sur la logique de l’effectuation (Effectual entrepreneurship) est un modèle développé et expérimenté aux Etats-Unis au début des années 2000. Aujourd’hui, plusieurs success stories à travers le monde témoignent de sa viabilité. L’idée centrale de ce modèle consiste à chercher les effets possibles (les objectifs) à partir des moyens disponibles (les ressources). Cet inversement de stratégie bouleverse toute la pensée entrepreneuriale.
Les principes du modèle effectual :
– “Une idée simple”
Il n’est pas nécessaire d’avoir une grande idée, bien définie et clairement élaborée pour démarrer un projet. Il suffirait de choisir un domaine d’activité dans lequel on se sent capable de s’engager. L’idée peut s’affiner ou se développer au cours du temps. L’exemple à citer ici est celui de l’entrepreneuse chinoise qui a décidé de se lancer dans la préparation et la vente du riz fait maison aux étudiants de sa commune. L’idée, pourtant pas nouvelle, a permis à cette entrepreneuse de se spécialiser plus tard dans la fabrication d’une sauce spéciale pour riz. Elle est devenue depuis une marque internationale.
– “Commencer avec ce qu’on a sous la main”
Il ne faut pas partir d’une idée de projet et des objectifs définis à l’avance puis se dire il nous faut tant d’investissement et tant de ressources pour mettre en place ce projet. Il faut inverser la stratégie en partant des moyens et des ressources disponibles pour décider du type du projet. “Qu’est-ce que je peux faire avec ce que j’ai ?”.
Identifier ses propres ressources : chaque individu a sa propre personnalité, ses propres connaissances et savoir et son réseau de relations. Ce sont des ressources indéniables.
Si j’ai une passion pour quelque chose, cette passion est une ressource qu’il faut exploiter. Par exemple, si je suis passionné par les jeux vidéos, j’aurais de fortes chances de réussir si je me mettais à trader des jeux ou à en concevoir de nouveaux pour les vendre en ligne.
Mes connaissances d’un domaine particulier, d’un type de commerce par exemple ou d’un secteur d’activité en général représentent un capital de valeur qu’il faut investir dans un projet. Avoir des connaissances ne veut pas dire être diplômé ou avoir poursuivi de longues études.
Enfin, mon réseau de contact. Ceci ne veut pas dire connaître des hauts cadres administratifs ou des directeurs de banques, mais plutôt avoir des contacts qui sont susceptibles de vous aider dans votre projet. Un client potentiel qui s’engagerait à acheter vos produits ou vos services. Un fournisseur qui se dit prêt à vous fournir les matières premières nécessaires pour démarrer, vous prêter un équipement, ou accepter de partager son local/bureau avec vous… Un ami ou un membre de famille qui serait prêt à vous prêter une petite somme d’argent.
C’est le cas par exemple d’un entrepreneur français qui préparait et vendait des petites pâtisseries à domicile. Pour répondre aux grandes commandes, il a demandé de l’aide à la boulangerie du quartier.
Pour illustrer tout ça ; si je dispose d’un vélo, d’un téléphone portable et que j’aime le sport, je penserais à faire de la livraison à domicile ou à devenir coursier dans une zone industrielle.
– “Exploiter les surprises”
La stratégie classique vous impose la préparation d’un business plan. Et ce, afin d’éviter les mauvaises surprises en essayant de prédire et anticiper les imprévus. La logique effectuale, bien au contraire, consiste à démarrer sans business plan en préconisant la transformation des surprises en opportunités. “Si on vous donne des citrons, vendez de la limonade”. Tout simplement, il faut être flexible et rester ouvert et à l’écoute du marché.
L’entrepreneur effectual n’étudie pas le marché mais il le teste directement à petite échelle. Puis il s’adapte à la demande au fur et à mesure.
– “Si ça ne marche pas, au pire, combien je perds?”
L’approche effectuale recommande un raisonnement en perte acceptable. Au lieu de se dire “si je fais ça, je gagne combien”, il faut adopter le raisonnement inverse en se disant : au pire des cas, quelle perte je pourrais supporter sans me ruiner ? Si je perds les 1000 DNT, il me restera toujours le vélo pour rebondir sur d’autres créneaux.
Avec un tel raisonnement, l’entrepreneur se libère de la pression du risque et se concentre sur son activité. Tout en sachant qu’il est prêt à faire face à un scénario de perte.
L’entrepreneuriat n’exige pas de qualités particulières et ne se limite pas aux ressources financières. Tout le monde peut entreprendre en misant sur ses propres ressources et sur son savoir-faire.