La logique fait que notre consommation soit revue à la baisse durant cette période de crise. Prendre l’essentiel, éviter le superflu, réduire son budget et augmenter son épargne sont censés être les phénomènes à attendre. Cela signifie un recul de l’inflation. Néanmoins, c’est tout à fait le contraire qui a été observé : l’inflation monte en flèche et l’effort des autorités monétaires durant plusieurs mois a été balayé en quelques semaines.
La hausse des prix provient de l’importante masse monétaire en circulation suite aux transferts sociaux par l’État et les retraits massifs de liquidité par les ménages, résultant en une forte demande.
Grâce aux indicateurs d’activité trimestriels des sociétés cotées à la Bourse de Tunis, nous avons des chiffres intéressants. Bien que le confinement n’ait concerné qu’une semaine du mois de mars, la sur-demande effective a débuté bien avant et la décision n’était pas surprenante. Elle était quasiment une demande populaire puisque tous les pays voisins l’avaient déjà adopté.
L’alimentaire est roi
Ces indicateurs montrent que les tunisiens ont effectivement réduit la consommation de tout ce qui peut être considéré comme un produit peu nécessaire pour la période en cours. Ainsi, nous avons vu une baisse dans les ventes des AMS, donc des produits de casserolerie, couverts et articles de table de l’ordre de 66,3% à 2,302 MTND. Idem pour les articles sanitaires, un segment dans lequel plusieurs sociétés opèrent : SOTEMAIL (-30,9% à 24,394 MTND), SANIMED (-22,2% à 5,484 MTND) et SOMOCER (-4,6% à 18,256 MTND). Nous avons également constaté un recul dans la consommation des articles en bois. MPBS a perdu 35,4% de ses ventes locales à 10,308 MTND. PGH, dans le pôle Bois & Biens d’équipement, a vu ses ventes reculer de -16,7% à 17,422 MTND. Même tendance pour les produits d’électroménager où Electrostar opère (-32,5% à 2,005 MTND).
Mais en contrepartie, la consommation s’est concentrée sur les produits de première nécessité et agroalimentaires. La SOTUMAG, qui n’est autre que le marché de gros, a vu son chiffre d’affaires progresser de 9,87% à 3,684 MTND. Pour les produits industrialisés, le pôle Agroalimentaire de PGH a enregistré une amélioration de ses ventes de 6,7% à 272,802 MTND. Les ventes de Délice Holding se sont envolées de 21,5% à 265,739 MTND. Même tendance pour Land’Or (+11,3% à 18,511 MTND) et CEREALIS (+10,8% à 3,699 MTND). Le plus grand opérateur agroalimentaire en Tunisie, la SFBT, a vu la consommation des boissons gazeuses progresser de 11% à 24,388 MTND alors que la bière a également évolué de 12,8% à 112,302 MTND.
Réaction immédiate des prix
Il y a donc eu un transfert de la consommation d’un groupe de produits à un autre. Encore plus intéressant. La baisse des ventes du premier groupe s’élève à 21,183 MTND, alors que la hausse des dépenses dans les produits alimentaires est de 81,104 MTND. Cette sur-demande est reflétée dans les chiffres de l’inflation : augmentation des prix des produits alimentaires en mars et avril de respectivement 1,8% et 0,9%. Même la hausse des produits manufacturés a essentiellement concerné ceux de l’entretien courant du foyer (+7,7% depuis le début de l’année) et d’hygiène et de soins personnels (+10,1%).
Cette montée ne devrait pas continuer pour deux raisons. La première est la baisse du pouvoir d’achat pour une bonne partie de la population active à cause de la destruction attendue de milliers de postes d’emploi. La seconde est l’absence de la consommation touristique cette année, ce qui conduirait à une très forte offre de produits alimentaires durant l’été, ce qui conduirait à une baisse des prix. Les tensions inflationnistes finiraient alors par s’apaiser. Mais attention, dans le cas d’une seconde vague du virus, toutes ces estimations sont à revoir. Croisons les doigts pour que ça ne se reproduise pas.