Face à la détérioration de la situation des personnes à faible revenu, il est primordial de réfléchir à des dispositifs d’aide sociale efficaces et durables pour les soutenir en toute dignité. Les aides apportées par l’État aux familles nécessiteuses ne font que réduire les peines mais ne résolvent pas le problème. D’abord, parce qu’elles sont ponctuelles (pendant les occasions ou durant les catastrophes) et puis parce qu’elles sont dérisoires (souvent des montants ne dépassant pas les 40 DNT). À cela s’ajoute le problème de détournement d’une grande partie de ces aides de la phase d’identification des bénéficiaires à la phase de distribution des produits alimentaires.
Il est également important de revoir les critères d’identification des bénéficiaires. Il y a une large fraction de la population qui vit dans des conditions difficiles mais qui ne peut ou ne veut pas être catégorisée comme “nécessiteuse”. Je pense en particulier aux travailleurs pauvres, aux familles nombreuses, aux retraités, aux étudiants…
La crise pandémique nous a montrés à quel point nous avons besoin d’un effort solidaire national où les acteurs du secteur privé, du secteur public et de la société civile mettent la main dans la main pour la création d’un filet social solide, durable et juste au profit des démunis.
Les épiceries solidaires comme une solution
Les épiceries solidaires sont des dispositifs sociaux communément utilisés dans les pays développés pour venir en aide aux personnes fragilisées économiquement. Grâce aux épiceries solidaires, les bénéficiaires peuvent faire leurs courses en produits de base (alimentaires, légumes, fruits, produits frais) à faible prix (entre 20 et 30% du prix du marché).
Ce dispositif bénéficie aux personnes qui vivent en difficulté et qui sont enregistrées auprès des services sociaux.
Chaque bénéficiaire aura un quota mensuel de produits de base à se procurer auprès de l’épicerie solidaire de son choix. En fonction du niveau d’approvisionnements, le dispositif pourrait être élargi pour couvrir d’autres catégories sociales (les étudiants, les travailleurs aux revenus modestes, etc.).
Mode de fonctionnement
Les épiceries solidaires pourraient être créées dans le cadre d’une Fondation Nationale, une Coopérative Nationale ou des mutuelles de consommateurs.
Sur le plan de financement, l’État assurera le financement de ce dispositif avec l’effort et la contribution du secteur privé, de la société civile, des ONG, des hommes d’affaires, des tunisiens résidents à l’étranger, de la grande distribution, des agriculteurs, de l’industrie agro-alimentaire. Les épiceries solidaires peuvent aussi recevoir les aides directes fournies par les citoyens, les restaurants locaux, etc.
Les épiceries solidaires : un moyen d’intégration économique
Les épiceries solidaires offrent des opportunités d’intégration. Des emplois à temps partiel et à temps plein au sein de ces épiceries seront offerts aux démunis qui deviendront “participants actifs” dans cette dynamique sociale.
Un recours aux employés bénévoles peut aussi être considéré afin de réduire les charges salariales.
Potentiellement, les clients bénéficiaires peuvent commercialiser leurs propres produits et aliments faits maison (entrepreneuriat social) au sein des épiceries solidaires. Cette possibilité leur permet de créer leur propre source de revenu en devenant entrepreneur.
La création d’épiceries solidaires en Tunisie pourrait contribuer à une meilleure prise en charge des catégories fragilisées dans la mesure où elles assurent un meilleur ciblage des bénéficiaires, une gestion rigoureuse des ressources, une distribution et un suivi transparents des aides tout en réduisant les risques de fraude et de détournement. Elles représentent également un dispositif d’émancipation économique pour ses bénéficiaires en leur offrant la possibilité de devenir membres actifs. À travers les épiceries solidaires, nous transformons les personnes fragilisées en clients bénéficiaires, employés et entrepreneurs individuels.