Deux mois avant l’ouverture du bal des Assemblées Générales des actionnaires, les avis d’appel à candidatures pour le choix d’administrateurs indépendants ont commencé à apparaître. Et pour cette année, les sociétés de la cote de la Bourse de Tunis doivent également respecter la loi sur l’amélioration du climat des investissements qui les a obligés à nommer deux administrateurs indépendants.
L’indépendance des conseils est devenue une question prioritaire pour les investisseurs. C’est un proxy de bonne gouvernance car l’administrateur indépendant est censé améliorer la qualité de la prise de la décision. Pour que cela puisse être atteint, il faut recruter de vrais indépendants. La lecture des critères retenus par les entreprises tunisiennes montrent qu’il y a trois grandes conditions : l’expérience sectorielle, le niveau des études et l’absence de relation matérielle avec la société, autre que celle d’administrateur.
Et c’est précisément ce dernier critère qu’il faudra creuser davantage. Les guides européens et américains de bonne gouvernance donnent plus de détails. Ainsi, un administrateur indépendant ne doit pas avoir de relations privilégiées avec des réseaux d’influence communs ou des intérêts partagés avec l’entreprise en question. Il ne doit pas avoir de liens significatifs avec un partenaire commercial (clients, fournisseurs), financier (banquier d’affaires, banquier de financement) ou une autre partie prenante à la société. Il est aussi recommandé que le membre indépendant n’ait eu aucune relation salariale avec l’entreprise au cours des cinq années précédentes. Enfin, il ne faut pas qu’il siège trop longtemps. L’absence de lien de parenté proche avec un actionnaire important ou un membre dirigeant est également exigée.
Ces critères ne sont pas un secret et il est certain que les investisseurs individuels vont les exiger et contester les nominations envisagées. Ouvrir son conseil à des « étrangers » reste encore un problème pour plusieurs sociétés. En Tunisie, on accepte l’argent du minoritaire, mais pas son représentant dans les organes de décision. Le souci actuel de plusieurs entreprises est de parvenir à nommer, d’une façon ou d’une autre, une personne loyale à la direction.
Ainsi, et en dépit des avancées qui seraient observées en 2020, la situation restera toujours loin des standards internationaux. Historiquement, l’amélioration de la gouvernance n’émane pas de l’entreprise elle-même, mais de son tour de table. Puisque nos sociétés gardent toujours un actionnaire majoritaire de référence après l’IPO, elles veillent à garder la même ossature pré-ouverture du capital, tout en assurant le minimum syndical en matière de respect des règles de bonne gouvernance. Les évolutions rapides, notamment dans le monde anglo-saxon, sont le résultat de structures de capital éclatées, où les investisseurs institutionnels dictent leur loi. Un cadre réglementaire pour faire bouger les choses est nécessaire, mais pour changer les pratiques et les convictions, c’est toute une culture à instaurer.