L’un des thèmes discutés lors de la Journée sur les produits dérivés de change organisée hier à Tunis par l’IFC, FOREX Club Tunisie et TCX était la courbe de taux. C’est un sujet à la une parmi les professionnels de la finance à Tunis puisqu’une nouvelle courbe vient d’être lancée. Si l’ancienne version a été délaissée, ce n’est pas parce que son modèle est défaillant. Cela reflète l’absence de profondeur dans un marché où 88% des transactions se font de gré à gré.
Les intervenants ont insisté sur trois principaux problèmes qui persistent encore et entravent une meilleure gestion des risques.
Le premier concerne le marché primaire. Actuellement, le Trésor est le principal émetteur de titres de créance. Les dettes corporate restent concentrées parmi les établissements de crédit. L’absence d’un nombre important d’acteurs entrave l’émergence d’un marché et donc d’une courbe de taux plus proche de la réalité. D’ailleurs, les OPCVM ont perdu, entre 2016 et 2019, près de 1 milliard de dinars. Cet argent est parti à l’affût de rendements plus élevés dans des placements monétaires à courte maturité. Les taux de ces placements sont en déconnexion totale avec ceux affichés par la courbe de taux qui était en vigueur.
Le deuxième problème est celui de l’infrastructure. Et dans le monde de la finance, l’infrastructure signifie une courbe de taux des titres émis par l’Etat. Elle est bel est bien existante et nous avons juste besoin, aujourd’hui, d’améliorations qui viendraient à moyen et long terme. Les évolutions devraient concerner, essentiellement, le TMM. La tendance sur les marchés internationaux favorise les taux overnight et neutre aux risques qui reflètent instantanément la dynamique du marché. La gestion actuelle des risques par les banques tunisiennes est perfectible en dépit de l’existence de système de scoring. Les taux appliqués ne traduisent pas les vrais risques puisque le système reste encore name-based lending. Le changement n’est pas pour aujourd’hui, mais ça viendrait progressivement avec l’évolution des pratiques.
Le troisième problème concerne l’offre. En l’absence d’une vraie réévaluation des positions par les différents intervenants, de sorte à trouver une cohérence avec la courbe, cette dernière n’a aucune valeur. C’est une condition indispensable pour donner de la crédibilité à cet outil.
Avec l’adoption des IFRS, et donc une valorisation mark-to-market, la courbe de taux va prendre une nouvelle dimension. Elle est également un moyen pour attirer des investisseurs étrangers dans la dette tunisienne. Cela requiert, en plus d’une plus grande liquidité, une flexibilité dans le transfert des fonds et la gestion des transactions par une Clearing House transparente. C’est cette dernière condition qui reste la plus difficile pour le moment, mais pas impossible. Les ukrainiens l’ont fait avec l’assistance de l’IFC et de TCX, pourquoi pas nous.