Le programme Investia Entreprise a été présenté, en grande pompe, jeudi 31 octobre 2019 en présences de chefs d’entreprises, de financiers et de représentants du gouvernement. Malgré tout l’espoir qu’il a suscité, le programme a laissé certains patrons de PME (Petites et Moyennes Entreprises) sur leur faim.
La nécessité d’un meilleur accompagnement
Interrogé par Le Manager sur le sujet, Mourad Abdelmoula, expert-comptable, considère qu’Investia Entreprise est une belle avancée, mais cela va dépendre des accords qui seront conclus avec les bailleurs de fonds. “Nous avons parlé des entreprises qui vont bénéficier des fonds, mais pas des acteurs qui vont les débloquer. Il faut savoir que celui qui va placer son argent ne le fera pas à titre de mécénat”, a-t-il déclaré.
L’expert-comptable explique que les bailleurs de fonds exigent un retour sur investissement. Or, celui-ci risque de mettre du temps avant d’être observé : environ 5 ans selon lui. “Celui qui a placé son argent ne va pas forcément attendre ces 5 années. De ce fait, il pourra exiger de devenir majoritaire au sein de l’entreprise, chose que le patron de la PME risque de ne pas accepter étant donné que c’était lui qui avait lancé son affaire”, a-t-il expliqué.
De ce fait, poursuit l’expert-comptable, le programme Investia Entreprise ne doit pas lâcher les entreprises en cours de processus. Elles doivent, de ce fait, être accompagnées jusqu’au bout pour que l’entrepreneur puisse garder le pouvoir. “Plus qu’un apport de fonds, Investia Entreprise doit accorder un accompagnement”, a-t-il encore dit, et d’ajouter : “En Tunisie, nous avons des contraintes douanières, un TMM variable, des impôts qui augmentent subitement, etc. Il faut donc garantir une climat plus stable. Dans ce contexte, le gouvernement doit intervenir pour l’assurer”.
La révision de certains critères d’éligibilité
Pour sa part, Abdebacet Abdouli, patron d’une PME, considère que le lancement d’Investia Entreprise est un signe encourageant, mais il existe plusieurs bémols sur la note. Tout d’abord au niveau des critères d’éligibilité qui portent sur le chiffre d’affaires (CA). A titre de rappel, une entreprise doit justifier d’un CA situé entre 5 et 50 millions de dinars par an. Pour le patron de PME, ce n’est pas possible. Il estime qu’en réalité 80% des PME tunisiennes réalisent des recettes annuelles d’environ 2 millions de dinars. De ce fait, en ce qui concerne le critères d’éligibilité, il faudra plutôt tabler sur un intervalle entre 2 et 5 millions de dinars. Ensuite, il considère que les informations sur les secteurs d’activités concernés par le programme sont lacunaires. “On ignore si les hydrocarbures, par exemple, sont concernées”, a-t-il dit.
Par ailleurs, Abdelbacet Abdouli a assuré que son entreprise a emprunté toutes les voies possibles en matière d’investissement. Cependant, ces opérations ont été mises à l’arrêt. De fait, il explique que la PME a été obligée d’acquérir des terrains. Ces derniers serviront de garanties pour les banques qui, pour leur part, vont accorder des crédits à la PME. Ainsi, cette dernière a dépensé de l’argent pour des achats qui ne rentrent pas dans la création de valeur.
Dans ce contexte, il souligne la nécessité de la mise en place d’un ensemble de textes visant à encourager l’investissement. Avec les textes actuels, selon lui, il serait difficile de tirer profit d’Investia Entreprise. D’un autre côté, il a déploré les blocages imposés par la BCT (Banque centrale de Tunisie), notamment en matière d’achat à l’étranger.