Le spécialiste tunisien des travaux d’ingénierie, EPPM, a fait parler de lui ces dernières semaines grâce à deux projets d’envergure. Ces projets structurants promettent de provoquer une dynamique positive au Congo et en Arabie Saoudite où ils seront installés. À cette occasion, Le Manager s’est entretenu avec Hafedh Daoud, fondateur et PDG d’EPPM.
Située au pied du volcan Nyiragongo, sur la rive nord du lac Kivu, la ville congolaise de Goma jouit d’un important potentiel de développement économique. La réalité est tout autre pour les deux millions habitants de la capitale de la province du Nord-Kivu. Celle-ci a été pendant plus d’une décennie au coeur d’une guerre civile qui a ravagé la République Démocratique du Congo.
L’activité volcanique présente, de son côté, un danger de taille pour les Gomatraciens. Le lac, saturé en méthane et en CO2, menace d’une catastrophe semblable à celle du lac Nyos au Cameroun au cours de laquelle 1746 personnes avaient péri en 1986.
Le savoir-faire tunisien à la rescousse
Un projet porté par le Tunisien EPPM promet de créer une nouvelle dynamique socio-économique qui profitera aux habitants de la région. En effet, le spécialiste tunisien des travaux d’ingénierie sera chargé de la construction et de l’exploitation d’une centrale électrique d’une puissance atteignant les 30 MW. Il s’agit d’un contrat de type build, own and transfer d’une valeur de 160 millions de dollars avec une durée d’exploitation d’une trentaine d’années. Cela va permettre de multiplier par sept la production électrique actuelle qui est de 5 MW pour une population de deux millions d’habitants.
À titre de comparaison, Tunis, ayant une population équivalente à celle de Goma, consomme jusqu’à 2000 MW en période de pic ! Cette centrale sera construite sur les rives du Kivu, l’un des plus grands lacs en Afrique avec une profondeur atteignant les 500 mètres. “Ce lac est saturé en gaz méthane que nous allons extraire pour alimenter la centrale électrique”, explique le PDG d’EPPM. Si le choix a été fait sur l’entreprise tunisienne, c’est grâce à un procédé « que nous avons développé et qui permet d’extraire le gaz méthane du fond du lac et de le purifier pour l’utiliser dans la génération de l’électricité”, souligne non sans fierté Daoud.
EPPM vient juste de finaliser la phase de l’approbation de la faisabilité et va lancer dans les jours à venir les demandes de financement pour boucler le schéma de financement auprès des investisseurs et de l’État congolais. Les travaux devraient être entamés dès l’année prochaine pour un démarrage de la production électrique en 2022.
De la matière grise et de l’or noir
Le mois dernier la firme a également signé un important contrat avec le géant saoudien Aramco. EPPM participera ainsi à la réalisation d’un grand projet permettant à l’Arabie Saoudite de pomper le pétrole de ses puits situés à l’Est jusqu’à l’Ouest où est basée l’industrie pétrolière.
EPPM sera chargée de la pièce maîtresse du projet: la mise en place des deux stations de pompage de départ et d’arrivée. C’est un projet de 89 millions de dollars avec un délai très court de 18 mois. “C’est aussi un projet très challengeant sur le plan technologique”, a indiqué Hafedh Daoud.
EPPM 2.0 ?
Pour permettre à la firme d’exprimer son plein potentiel dans la prochaine phase de son développement, EPPM cherche à diversifier davantage ses activités. En plus des projets clés en main où elle bâtit un savoir-faire considérable, l’entreprise se lance dans les projets d’investissement. “Dans ce cadre, nous sommes en train de développer notre savoir-faire de financement et de lever des fonds pour accompagner nos futurs projets d’investissement”, a souligné le PDG. En effet, le projet de la centrale du lac Kivu est l’un des premiers pas dans cette nouvelle direction.
Un projet de centrale photovoltaïque de 10 MW dont le démarrage de la production est prévu pour l’an prochain à Meknassi, Sidi Bouzid fait aussi partie de cette nouvelle niche. L’entreprise mise aussi sur l’innovation : “Nous avons également développé un ambitieux programme de R&D qui nous a permis de renforcer de nouveaux axes de développement”, a déclaré Hafedh Daoud. Ces projets concerneront des domaines aussi variés que la culture de spiruline, la briqueterie où EPPM a développé un savoir-faire important aussi bien en termes d’économie d’énergie que dans la valorisation de la biomasse…
Autre détail important pour l’entreprise : “Nous voulons développer ces projets en partenariat avec des jeunes, d’EPPM ou d’ailleurs. Nous sommes prêts à prendre en charge les jeunes porteurs d’idées pour qu’on puisse développer ensemble leurs projets”, a affirmé Daoud. Et de conclure: “Notre objectif est de soutenir l’industrie tunisienne pour qu’elle retrouve son éclat d’antan”.