Les premières années d’une startup représentent la période la plus délicate de son existence. Au point que les experts ont baptisé cette période “la Vallée de la Mort”. Les chiffres ne font que confirmer cette réalité : sur 10 jeunes pousses, 9 disparaissent avant même de pouvoir souffler leur 3ème bougie.
Assurer la survie des startups revient à leur fournir les conditions de leur développement, notamment un accès facilité aux financements. De par leur volonté de prendre du risque pour assurer une croissance exponentielle, les entreprises émergentes ne peuvent aspirer à bénéficier du financement bancaire.
Le développement de l’écosystème entrepreneurial en Tunisie s’est accompagné par l’apparition d’un large spectre de nouveaux acteurs dont la mission est de financer et d’accompagner ce type d’entreprises. De nos jours, on entend plus souvent parler de coworking spaces, d’incubateurs et d’accélérateurs.
Paradoxalement, le développement de la notion de business angels reste timide. Pourtant, ces personnes qui investissent à titre individuel au capital d’une entreprise innovante jouent un rôle primordial dans le développement de l’écosystème. De fait, ces investisseurs interviennent à un stade précoce de création ou en début d’activité, période la plus risquée de l’investissement. Les business angels représentent la porte d’entrée des startups au monde de l’investissement “professionnel” après qu’elles eurent épuisé leur épargne, et celles de leur famille et amis.
Le business angel, littéralement ange d’affaires, n’offre pas “que” le financement qui permet au startuppeur de transformer son idée en un produit ou service commercialisable. Le business angel a pour tâche, en plus, d’accompagner le jeune entrepreneur pour lui permettre de se développer, notamment grâce au networking, et au soutien psychologique et moral.
Malgré l’importance de leur mission, la notion de business angels est encore à ses débuts en Tunisie, a noté Jalloul Ayed, ancien ministre des Finances. Même l’Europe est en retard par rapport aux USA: on y compte 30 mille, contre plus de 300 mille à l’autre rive de l’Atlantique. Selon Ayed, la faible teneur en business angels n’est qu’une facette d’une plus grande problématique qui caractérise le paysage entrepreneurial national: le manque flagrant des financements destinés aux entreprises en early stage. Jusqu’à un passé très proche, les fonds de capital développement dominaient la scène. Il s’agit de véhicules d’investissement qui interviennent dans des étapes plus avancées de la vie d’une entreprise. Ils permettent en effet d’accompagner les startups en quête de se développer vers d’autres marchés. “Il faut mettre en place un cadre légal incitatif pour les business angels, pour les encourager à investir dans les startups”, a lancé Ayed.
Dans l’attente de ce que vont offrir le cadre réglementaire du capital investissement et la loi transversale sur le climat d’affaires, tous deux en cours de préparation, le Startup Act offre quelques incitations aux investisseurs. La loi permet en effet à ceux qui ont contribué au financement de startups de défiscaliser leur investissement. Slim Moalla, d’ Evolia Capital, a rappelé que de tels investissements sont exonérés de la taxation sur la plus-value au moment de la réalisation de la sortie.
Cela va sans dire que les effets de telles législations n’auront certainement pas un impact instantané sur le secteur. Entre-temps, les startups ou jeunes entrepreneurs peuvent tirer pleinement profit des opportunités qu’offre la nouvelle technologie. “Aujourd’hui, on peut pitcher à des investisseurs de l’autre bout de la planète à travers internet”, a rappelé Ayed. Et de poursuivre: “Il ne faut pas se limiter au périmètre national”.
Les actions simplifiées
Aussi révolutionnaire qu’il soit, le Startup Act ne peut résoudre tous les obstacles qui freinent le développement du secteur. L’absence des options en est un exemple. Selon lui, on ne peut avoir un écosystème dynamique sans l’introduction de cet instrument fort utile, notamment à travers les Sociétés d’actions simplifiées, ou SAS.
Par le biais des options, le fondateur aura la possibilité de maintenir une majorité confortable dans l’actionnariat de l’entreprise. “Au fil de levées de fonds successives, le fondateur risque de voir ses parts diluées et perdre sa majorité”, a indiqué Moalla.
En pratique, les options permettent à l’entrepreneur d’acheter des actions de son entreprise à un prix prédéfini afin de détenir des parts considérables dans le capital de l’entreprise. Et ce, en fonction des performances de son entreprise. Un fondateur minoritaire risque d’être démotivé s’il se trouve en situation d’actionnaire minoritaire.
“Pour pallier ce manquement dans les entreprises que nous accompagnons, nous passons forcément par des instruments juridiques beaucoup plus coûteux tels que le pact d’actionnaire qui n’est toujours pas facile à expliquer aux startuppeurs”, a déploré Slim Moalla.