Les résultats des dernières élections et l’attitude des jeunes électeurs doivent être profondément analysés. Ce pays vit un mal qui remonte à des décennies et qui met en péril son avenir. L’IACE, dans le cadre de son forum de l’emploi, a présenté une excellente étude sur l’exclusion sociale en tant que barrière à l’entrée sur le marché de l’emploi. Le mérite de cette analyse est qu’elle quantifie des perceptions et des avis largement partagés par les spécialistes.
L’étude part de la définition de l’exclusion avancée par le PNUD : l’absence d’une intégration sociale par le travail, l’école ou la famille conduisant à une marginalité et vulnérabilité psychologique et sociale. Un indice d’exclusion du marché de travail a été développé en se basant sur quatre axes : marché de travail & employabilité, niveau de vie & éducation, compétences transversales et mobilité.
Les résultats confirment qu’il y a effectivement un phénomène d’exclusion. En particulier, trois gouvernorats affichent des indices extrêmement élevés : Gafsa (0,909), Tataouine (0,873) et Béja (0,838). Ben Arous et Tunis ont les meilleurs scores, respectivement à 0,324 et 0,325. Par délégation, les chiffres sont plus parlants. Pour quelqu’un d’El Menzah, l’indice est simplement nul. Pour un habitant de Sidi Bouzid Ouest, l’exclusion est totale.
L’étude va plus loin en se focalisant sur le cas de la Cité Ettadhamen et d’Ariana Ville. Elle confirme que des personnes ayant les mêmes caractéristiques démographiques, le même niveau d’éducation, le même environnement social et cadre de vie n’ont pas la même situation. Ceux d’Ariana Ville ont pu décrocher un poste d’emploi alors que ceux de Cité Ettadhamen sont en chômage. Les différences entre les candidats des deux délégations résident essentiellement en les compétences transversales et techniques, la vie associative et l’environnement économique et social.
Le quotidien difficile des jeunes de cette grande cité et de la majorité des délégations tunisiennes ne leur permet souvent pas de participer à des associations ou d’accéder à des soft skills. Cela nécessite un minimum de moyens financiers qui ne sont pas toujours disponibles. Avec cette configuration, comment voulez-vous que ces jeunes votent pour la famille démocratique centriste et moderniste ? Il est naturel qu’ils attribuent leurs voix à d’autres candidats qui parrainent leurs revendications et proposent des programmes sur mesure mais malheureusement irréalisables.
La responsabilité des directeurs ressources humaines de nos entreprises est importante. Chacun doit faire l’effort pour donner un maximum de chance pour les jeunes issus des régions défavorisées. Embaucher un nouveau diplômé d’un milieu défavorisé, même avec quelques défaillances, est un acte citoyen. Il faut multiplier les bons exemples à suivre parmi cette population qui déprime. En l’absence d’une telle politique, nous n’avons plus le droit de contester les résultats des prochains scrutins. C’est ça être une entreprise socialement responsable.