La société Carthage Cement a tenu le 8 octobre 2019, une communication financière au siège de la Bourse de Tunis, animée par Adel Grar, président du conseil d’administration et Brahim Sanaa directeur général de Carthage Cement.
Le management de la société est revenu sur le schéma de restructuration des capitaux propres de la société, le business plan 2019-2023 ainsi que les perspectives d’avenir.
Cette communication financière a coïncidé avec la publication par une autre cimenterie (Les Ciments de Bizerte), cotée à la bourse de Tunis, de ses états financiers intermédiaires, arrêtés au 30 juin 2019. Ces derniers affichent une hausse de 5% des revenus par rapport au premier semestre 2018, à 41,8 millions de dinars. Toutefois, elle accuse une forte baisse de sa marge brute sur la même période, passant de 3,9 à 0,6 millions de dinars.
Ciments de Bizerte (SCB) a enregistré également un élargissement de de son déficit d’exploitation, qui passe de – 5,7 à – 12,1 millions de dinars. En revanche les charges financières se sont contractées à 7,6 millions de dinars à fin juin 2019, contre 9,4 millions de dinars un an plus tôt. Au final, la société clôture les six premiers mois de l’année en cours avec un déficit de 15,7 millions de dinars, contre une perte de 12,7 millions de dinars au 30 juin 2018. Rappelons que Ciments de Bizere a dégagé au terme de l’exercice 2018 un résultat net négatif de 32,9 millions de dinars succédant à des déficits de 30 et 22 millions de dinars respectivement en 2017 et 2016. L’endettement net de la SCB s’est creusé à fin 2018 à 177,6 millions de dinars.
De son côté, Carthage Cement qui se prépare à une autre tentative de privatisation, n’a pas encore publié ses états financiers annuels arrêtés au 31 décembre 2018. Au 30 juin 2018, la société affiche une dette nette de 645 millions de dinars (y compris le compte courants associés). Carthage Cement a dégagé au 30 juin 2018 un déficit d’exploitation de 18,5 millions de dinars relayant un résultat d’exploitation négatif de 17,1 millions de dinars sur l’ensemble de l’année 2017. Les charges financières viennent alourdir le résultat net de la société qui ressort au 30 juin 2018 négatif de 47,4 millions de dinars relayant les – 68,9 millions de dinars enregistrés sur l’ensemble de l’année 2017, – 46 millions de dinars en 2016 et en 2015 et – 57 millions de dinars en 2014.
Une structure financière intenable pour la société, dans un marché caractérisé par un excédent de la capacité de production nationale estimée à 11 millions de tonnes comparée à une demande potentielle locale immobilisée depuis plusieurs années à 7 millions de tonnes.
Les prémices d’amélioration des exportations de ciments (clinker) qui ont totalisé 1,576 millions de tonnes aux neuf premiers mois de 2019 contre 1,289 millions de tonnes à fin septembre 2018 demeurent insuffisantes pour absorber la surcapacité de production.
En 2018, les sociétés de ciment en Tunisie ont produit 7,3 millions de tonnes de ciment et ont exporté 1,5 million de tonnes de clinker.
Depuis l’échec annoncé au mois de décembre 2018 de l’appel d’offres relatif à la cession d’un bloc de cession représentant 50,52% du capital de Carthage Cement détenus par l’Etat, les équipes d’Al Karama Holding travaillent d’arrache-pied pour rétablir la situation financière de la société, condition sine qua non pour lancer un second appel d’offres.
C’est dans ce cadre que le management a annoncé lors de la communication financière du 8 octobre 2019 son plan de restructuration financière de la société. Indépendamment du Business plan présenté à l’occasion de cette communication, qui semble être largement optimiste, le projet de restructuration financière de la société Carthage Cement, prévoit une augmentation du capital de 130% soit de 223,77 millions de dinars pour le porter de 172,1 millions de dinars actuellement à 395,9 millions de dinars, soit une parité apparente de 13 actions nouvelles souscrites pour 10 actions anciennes détenues.
Cette augmentation de capital sera réalisée par apport en numéraire de 153,7 millions de dinars, le reste, soit 70 millions de dinars par conversion de créances. L’augmentation de capital par apport en cash servira à un remboursement partiel des dettes bancaires. Le plan prévoit le rééchelonnement des dettes de structures restantes estimées à 360 millions de dinars sur 12 ans dont 2 années de grâce. Enfin le plan prévoit un rabattement des taux d’intérêt de deux points.
Le schéma mis en place, tel qu’il est présenté dans le document de support de cette communication, vise ainsi la restructuration financière, indépendamment de l’exploitation en elle-même. Par ailleurs plusieurs interrogations restent en suspens.
L’augmentation du capital social s’élève à 223,77 millions de dinars répartie entre une augmentation en numéraire de 153,7 millions de dinars (en nominal) et 70 millions de dinars par conversion de créances, ce dernier montant est-il appréhendé en nominal ou primes d’émission incluses ? L’augmentation de capital serait-elle postérieure à la conversion des créances ou concomitante ? Enfin la parité de souscription 13 nouvelles pour 10 anciennes laisse-elle comprendre l’existence d’un droit préférentiel de souscription pour les créanciers ? Ces derniers sont-ils uniquement les banques ?