Nous parlons souvent des métiers de demain, mais nous oublions souvent que nous sommes déjà en plein cœur de ce “demain”. En Tunisie, plusieurs observateurs ont constaté un décalage entre le contenu des formations universitaires et les nouvelles exigences du marché de l’emploi. Outre les compétences techniques, les entreprises cherchent désormais les soft-skills.
Ces problématiques ont justement fait l’objet d’une conférence organisée au siège de la TBS (Tunis Business School), en marge du lancement officiel de l’UFTAM (Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée). Académiciens et entrepreneurs ont livré leurs attentes par rapport aux formations universitaires, tout en évoquant, également, les métiers de demain en Afrique.
Des formations adaptées et des enseignants mieux formés et valorisés
Les panélistes ont insisté sur l’importance d’une formation universitaire capable de répondre aux attentes des entreprises. Il existe plusieurs lacunes dans ces formations. Aziz Ben Mbarek, cofondateur et directeur général de Tunisinvest et d’Africinvest, a mis en exergue l’absence de la maîtrise des softs-skills dans les offres universitaires; “Nous avons pris un certain retard”, a-t-il déclaré.
Un jeune diplômé, poursuit-il, doit être capable de maîtriser les softs-skills et être endurant durant les périodes d’intense activité. Les stages effectuées sont également examinés par les recruteurs. Dans ce contexte, les contrats en alternance constituent, selon Aziz Ben Mbarek, une excellente solution.
D’un autre côté, il est important de pouvoir attirer les bons enseignants dans les universités. Pour assurer une formation de qualité, ces derniers doivent pouvoir bénéficier d’une formation continue et,de surcroît, d’une bonne rémunération. “Il faut valoriser le métier d’enseignant”, a-t-il précisé. Les programmes universitaires doivent évoluer en fonction de l’évolution des métiers. Il est également important, poursuit le directeur général de Tunisinvest et d’Africinvest, de miser sur la maîtrise des langues étrangères, mais aussi sur l’enracinement de la notion de l’entrepreneuriat dans les universités afin de former les entrepreneurs de demain.
La nécessité de faire évoluer les formations universitaires a également été évoquée par Olfa Ben Ouda, présidente de l’Université de Carthage. En plus des compétences techniques, les entreprises cherchent les compétences technologiques aujourd’hui, selon elle. De fait, les nouvelles technologies sont présentes dans tous les secteurs : banque, santé, commerce, etc. “Il faut intégrer le numérique non pas en tant que formation de pointe, mais plutôt en tant qu’un volet dans toutes les formations. Autrement dit : un complément”, a-t-elle expliqué.
Autre élément souligné par la présidente de l’Université de Carthage : une “touche écologique” qu’il faut apporter à certaines formations, à l’instar de l’ingéniorat. Plus encore, elle estime qu’il est primordial de s’orienter vers la biodiversité. “L’Afrique a un énorme besoin en nouveaux métiers. L’UFTAM, dans ce contexte, peut constituer une solution”, a-t-elle renchéri.
Établir un lien entre le monde académique et le monde professionnel
Pour sa part, le secrétaire général de la TABC (Tunisia – Africa Business Council), Anis Jaziri, rappelle que de nombreuses entreprises tunisiennes sont installées un peu partout en Afrique. Ces dernières ont besoin de compétences. D’où la nécessité d’adapter les offres de formation. Il faut lancer des initiatives allant dans ce sens. C’est, d’ailleurs, dans cette optique que le Tunisian-African Empowerment Forum a été lancé. Organisé annuellement, il constitue une occasion d’aborder les formations et l’éducation en Afrique, en prenant en considération les besoins du marché du travail.
Pour proposer des formations universitaires complètes, une infrastructure de qualité est requise. Or, ce n’est pas forcément le cas sur le continent africain. Ce point a justement été souligné par Emna Khrouf, présidente de l’ATUGE (Association des Tunisiens des Grandes Ecoles). Elle considère que la formation des jeunes talents est un grand défi pour l’Afrique. Seulement, la faiblesse des infrastructures constitue un réel obstacle empêchant d’améliorer l’offre universitaire. D’un autre côté, elle estime qu’il est capital de compléter les formations avec les soft-skills. “Nous disposons de compétences techniques, mais pas assez de soft-skills. Le digital constitue également un challenge, mais nous faisons face à un manque d’infrastructures. Il est essentiel de digitaliser l’écosystème universitaire africain, tout en travaillant avec l’écosystème entrepreneurial. Il faut, ainsi, établir un lien entre le monde académique et le monde professionnel”, a-t-il dit.
Travailler sur les compétences du personnel des entreprises et sur la recherche universitaire
L’autre intervention notable est celle de Badreddine Ouali, PDG de Vermeg. Quelle est l’utilité de lancer de nouvelles universités ? C’est la question qui a été soulevée par le PDG de Vermeg. D’ailleurs, il rappelle que le nombre de bacheliers tunisiens a diminué de 25% ces 5 dernières années.
Le véritable défi, selon lui, consiste à travailler sur les compétences du personnel des entreprises et sur l’amélioration du niveau de la recherche universitaire. Dans ce contexte, il est nécessaire d’assurer une formation continue au profit du personnel. C’est le cas du secteur financier qui est, rappelons-le, très impacté par la digitalisation et qui est, de ce fait, en constante évolution.
Sur le plan de la recherche, le PDG de Vermeg suggère la mise en place d’un partenariat avec les instituts européens de recherche. Ces derniers pourront, de ce fait, mieux connaître les critiques des étudiants tunisiens et africains d’une manière générale.