Le Code de Travail tunisien est caractérisé par une rigidité bolchevique. Il est même l’un des problèmes majeurs qui contribuent au taux de chômage qu’on observe aujourd’hui. Pour une startup qui a besoin de flexibilité, recruter selon ce code est un casse-tête car le licenciement n’est pas simple.
Bosser pour une startup, c’est spécial
La question qui se pose porte sur la capacité d’un même cadre réglementaire de gérer, aussi efficacement, la relation employeur – employé dans un groupe de sociétés que dans une entité innovante qui compte quelques personnes. Le bon sens fait que la réponse soit négative.
En fait, une startup c’est avant tout un état d’esprit. Ces entités travaillent dans tous les secteurs, mais partagent quasiment les mêmes caractéristiques : un goût pour l’innovation et une vision différente de l’entreprise. Les horaires de travail ne sont pas classiques, mais c’est plutôt selon la tâche et le projet en cours. Les heures supplémentaires ne sont pas comptées en dépit de longues journées de travail. Les collaborateurs peuvent s’offrir une partie de baby-foot ou billard à tout moment de la journée, se réunir autour d’un petit déjeuner qui continue jusqu’à 11H du matin ou célébrer à leur manière les bonnes nouvelles. Cela permet un passage fluide de l’information entre les membres de l’équipe. D’ailleurs, tous les “niveaux hiérarchiques” sont généralement impliqués dans les décisions opérationnelles, y compris parfois les stagiaires.
Il est donc clair qu’un contrat de travail standard ne peut pas répondre aux besoins d’une startup. Il faut se rappeler que cet accord est censé, avant tout, régler les possibles futures divergences alors que nous sommes face à des entités dont l’existence n’est pas garantie et qui peuvent disparaître au bout de quelques mois.
Des freelancers plutôt que des titulaires ?
La solution serait donc de tenter l’intégration, dans un contrat de travail, de toutes les particularités d’une startup. Il serait intéressant de créer des modèles qui sont spécifiques à ces structures car c’est le pari que jouent les autorités pour absorber un maximum de demandeurs de boulot. Nous ne disposons pas de statistiques qui nous permettent de dévoiler la contribution réelle des startups à la création de l’emploi. Toutefois, si nous suivons les annonces sur les sites spécialisés, nous pouvons constater qu’il s’agit bien d’une grande partie des postes offerts aujourd’hui.
Mais quelles sont ces clauses à ajouter ? Ne pas préciser les heures de travail ? La possibilité d’un licenciement plus facile ? Une rémunération flexible ? Qui va accepter un tel accord ? Uniquement ceux qui acceptent le risque, donc des freelancers. Il est vrai que la Tunisie a un cadre fiscal généreux qui permet à un salarié de se transformer en un consultant et de bénéficier de 5 ans d’exonération d’impôt. Concrètement, seuls les cadres hautement qualifiés et qui gardent, comme principal client, leurs ex-employeurs le font. C’est un moyen pour accéder à un meilleur salaire sans que les équilibres financiers de l’employeur ne soient touchés.
Est-ce que le statut de freelancer est séduisant pour une startup ? A priori oui. Néanmoins, pour un jeune qui veut commencer sa vie professionnelle, c’est le contraire. Il a besoin d’une couverture sociale, d’un statut, d’un revenu récurent qui va lui permettre d’accéder aux différents produits bancaires. C’est d’ailleurs pourquoi il y a de la réticence dans la reconversion professionnelle à titre d’exemple, même pour ceux qui ont passé de longues années d’inactivité. Ce contrat de travail classique-amélioré est donc loin de constituer une vraie solution au recrutement de talents par les startups.
Par contre, les freelancers peuvent être appelés lorsque l’entreprise fait face à une charge imprévue, mais ponctuelle, de travail.
Le CDI, arme de séduction massive
De point de vue pratique, les startups sont obligées de revenir à la case départ et offrir des CDI. La création et le développement d’un business repose, en grande partie, sur la réussite de recrutements stratégiques et la capacité de les garder. Pour le faire, une boîte doit offrir à ses talents une enveloppe, au moins, comparable à ce qu’ils peuvent gagner ailleurs. Le CDI est une valeur refuge qui rassure et qui permet d’attirer les bonnes personnes malgré le risque.
Le plus important c’est qu’il faut qu’un collaborateur sente que ses efforts sont récompensés. Une startup est une entité où le droit de travail n’est jamais respecté. Néanmoins, du moment où les deux parties y trouvent leur compte, il n’y a rien à craindre. Mais attention. Dès que les choses commencent à se détériorer, tout peut basculer. La structure horizontale de ces entités fait que les employés n’acceptent pas la subordination et exigent un traitement exemplaire de la part des entrepreneurs.
En l’absence d’un sentiment de justice, l’énergie des collaborateurs risque de baisser au fil du temps. C’est là tout l’équilibre à trouver et à inclure dans un contrat de travail. Généralement, les startups paient des salaires au-dessus de la moyenne du marché. Elles se justifient par l’importance des investissements en cours et par les difficultés de trésorerie. Mais le jour où la boîte réussit ou qu’un industriel de taille s’intéresse à elle, quelle serait la part de ces cadres qui ont investi tant d’années pour que le projet tienne la route ? Qui valorisera leurs sacrifices ?
La question est vraiment très compliquée. Il faut débattre sérieusement ces sujets pour que les startups ne se transforment pas en des temples de regrets pour nos jeunes talents.