Le 27 novembre dernier, le groupe émirati Abraaj a annoncé la conclusion d’un accord pour le rachat de 35 % dans Tunisie Telecom. Moins de six mois plus tard, en avril 2018, la transaction ― qui aurait été une des plus importantes en termes de capital investissement en Tunisie ― tombe à l’eau.
Abraaj est secoué par un fort orage, selon le rapport récemment publié au Financial Times.
Jusqu’alors considéré pionnier en matière d’investissement dans les marchés émergents, la holding émiratie avait déposé en juin une demande de liquidation provisoire ― un processus de restructuration mené par un tribunal des îles Caïmans ― pour se protéger contre une ordonnance de liquidation prononcée par deux créanciers.
Toujours selon le Financial Times, Abraaj avait des dettes de plus de 1,1 milliard de dollars. Le fonds était sujet à des allégations d’utilisation abusive de l’argent des investisseurs détenu dans son fonds de healthcare, estimé à hauteur de 1 milliard de dollars dans le but de soutenir l’entreprise d’Arif Naqvi.
Fondé en 2002, le groupe avait sous sa gestion plus de 14 milliards de dollars et comptait parmi ses investisseurs Bill & Melinda Gates Foundation et la Société financière internationale, un organisme de la Banque mondiale. Aujourd’hui, le liquidateur judiciaire ― le cabinet PwC ― est en train d’évaluer les offres d’achat de l’entreprise d’Abraaj, qui cherche à lever des fonds pour rembourser ses créanciers et son personnel. Des entreprises comme Brookfield Asset Management et Actis ont déposé des offres pour des parties de l’empire Abraaj, ont indiqué au Financial Times des sources en connaissance directe de l’affaire.
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D’après le rapport du Financial Times, c’est l’échec de la vente d’une participation majoritaire dans K-Electric au Pakistan à un groupe chinois qui a pratiquement paralysé le groupe de capital-investissement et accéléré son effondrement. C’est une transaction qui aurait dû permettre à Abraaj Group de réaliser sa plus grande opération à ce jour:
si la vente de 1,8 milliard de dollars avait eu lieu à la fin de 2017, sa société mère, Abraaj Holdings, aurait reçu près de 450 millions de dollars.
Le Financial Times a également découvert que le fonds d’investissement faisait face, l’année dernière, à d’autres pressions financières. L’entreprise avait racheté 350 millions de dollars de ses propres actions, signe d’optimisme quant aux perspectives d’avenir, selon les dires de cadres supérieurs de l’entreprise. Elle était également en pourparlers avec deux acheteurs pour vendre 250 millions de dollars de participations profitables. Toutefois, ces transactions se sont effondrées.
Des dépenses voire même dépenses, toutes les deux deux estimées à 1 milliard de dollars en créances et en dépenses avaient en partie pour origine des dépenses extravagantes en personnel et en frais de voyage, a révélé le rapport publié par le Financial Times. En 2015, Abraaj a enregistré une perte de 97 millions de dollars.
Malgré tout cela, Arif Naqvi est resté confiant, rassurant toujours les partenaires concernés par le conflit, selon le média anglais. Il avait en effet estimé que les frais de gestion d’Apef VI, un fonds de rachat de 6 milliards de dollars qui avait déjà attiré 3 milliards de dollars en 2017, et les ventes d’actions couvriraient les remboursements de dettes.
“Tout lui a échappé”, a indiqué au Financial Times un banquier pakistanais basé à Hong Kong qui a côtoyé Naqvi. “Il espérait qu’il y aurait des rentrées éventuelles d’argent [provenant du nouveau fonds ou de K-Electric], ce qui lui permettrait de couvrir sa position.” Mais les craintes des investisseurs ont rendu cela pratiquement impossible.
Fin février, Naqvi a annoncé qu’il se retirait de la gestion quotidienne de l’activité de gestion d’actifs. Des dizaines de membres du personnel d’Abraaj ont été licenciés et d’autres ont démissionné. En mai et juin, des créanciers, dont un fonds de pension koweïtien et Hamid Jafar, le président de Crescent Petroleum, ont demandé la liquidation d’Abraaj aux îles Caïmans dans une tentative désespérée de recouvrement de dettes. Abraaj a réagi en déposant une demande de liquidation provisoire, ce qui l’a protégé contre une action individuelle des créanciers, donnant ainsi aux liquidateurs le temps d’essayer de vendre leurs actifs.
Nous avons contacté Abraaj Tunisie, sans réponse de leur part.