Si le secteur de cuir et chaussures fut à l’époque dynamique et porteur, il demeure depuis des années menacé de disparition. Les responsables du secteur lancent un cri d’alarme quant à sa survie. Un point de presse a été organisé ce matin au siège de l’UTICA, en présence de Wajdi Dhouib, président de la chambre nationale des artisans du cuir, de Khemais Mitatou, président de la chambre nationale de fabricants de chaussures, et de Mustapha Abdelhedi, président de la Chambre syndicale de la maroquinerie.
Scrutant la filière, les responsables ont résumé les défaillances en trois points essentiels.
Il s’agit, dans un premier lieu, de la friperie. A défaut de contrôle, le quota d’importation des produits utilisés fixé par la loi à 12%, soit l’équivalent de 10 500 tonnes par an n’est pas respecté.
A ce titre, Wajdi Dhouib a tenu à préciser que ce taux est estimé à 40% soit approximativement, de 350 mille à 400 mille tonnes annuellement.
Il a affirmé, dans ce même sillage, que bien que la loi tunisienne interdise la commercialisation dans les fripes du cuir et des chaussures en cuir, — étant donné qu’ils sont porteurs de germes et nuisibles à la santé — on observe toujours des dépassements.
«Notre bataille pour sauver le secteur cuir et chaussures a bel et bien démarré. Cependant, force est de constater que les autorités concernées à savoir la Douane et le ministère du Commerce, lésinent sur les efforts quant à l’application de la loi de 1995 et aussi des mesures et décisions prises lors du conseil ministériel du 12 mai 2017», a souligné Wajdi Dhouib.
Outre l’anarchie des importations dans la friperie, les responsables ont pointé du doigt le commerce parallèle qui représente, pour le secteur cuir et chaussures, plus de 40% du marché tunisien.
Perte de 12 000 postes d’emploi directs en huit ans
« La contrebande est un fléau qui se propage à toute allure, faisant en sorte que les professionnels du secteur soient confrontés à plusieurs difficultés », a indiqué Mustapha Abdelhedi.
Et ce sont les chiffres officiels qui en témoignent ! Selon les responsables, si le nombre des artisans a été estimé en 2010 à 6 000, employant 17 000 personnes, il a nettement chuté pour s’établir en 2017, à 2500 artisans offrant des postes d’emploi à uniquement 5 000 personnes.
Ainsi, la production du cuir et des chaussures a suivi depuis des siècles une tendance baissière. Nous ne comptons d’ailleurs que 250 usines en 2017, contre 460 usines il y a moins d’une décennie.
Le fabricant tunisien, étant sous pression, n’arrive plus à garantir la pérennité de son entreprise.
Selon Mustapha Abdelhedi, les conditions ne sont pas favorables à l’import des matières premières pour la fabrication des produits en cuir avec un taux d’impôt sur les revenus des sociétés qui s’élève à 7.5% en 2017, un taux de la TVA augmentant de 1%, comme l’exige la loi de finances 2018 et des frais de douane de 30%.
Dans ce contexte, le président de la chambre syndicale de la maroquinerie a assuré que malgré tous ces obstacles, les quelques professionnels persévérants arrivent à produire des vêtements en cuir, certes chers, mais de bonne qualité.
Et ce n’est pas Khemais Mitatou qui dément.
Mettant l’accent sur le troisième défi du secteur, celui de la franchise, le président de la chambre nationale de fabricants de chaussures et à la fois fondateur de la marque Fratelli Mitatou, estime que les professionnels payent la facture très chère de la forte compétitivité du marché saturé par les franchiseurs !
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Il a confirmé, qu’au lieu de promouvoir le produit tunisien, les autorités s’orientent plutôt vers les marques internationales qui ne permettent pas d’exploiter les ressources humaines et matérielles tunisiennes.
Les responsables ont été unanimes quant à la nécessité d’une application rigoureuse de la loi, et de l’implication de tous les acteurs pour faire évoluer positivement ce secteur en crise.