Par Bassem Neifer, analyste à AlphaValue
La Bourse des Valeurs mobilières de Tunis (BVMT) a toujours cherché à se faire une place parmi les capitales financières de la région et à s’imposer comme une destination phare pour investir. Indépendamment des résultats plus ou moins mitigés, nous pouvons confirmer que les efforts fournis par l’équipe de la BVMT sont importants.
Une plateforme de pointe…
Il y a d’abord la mise en place en 2016 de la plus récente plateforme de cotation électronique (Universal Trading Platform — Hybrid) utilisée par Nyse Euronext depuis 2008. Cette version permet de gérer divers modèles de marché (actions, obligations, ETF, warrants) et diverses classes d’actifs (futures, options). Le coût de cet investissement est élevé, ce qui explique l’association avec les Bourses d’Amman, Beirut et Mascat.
En 2017, la Place de Tunis a été la première institution financière tunisienne à obtenir la certification ISO 27001:2013 relative au système de management de la sécurité de l’information délivrée par AFNOR Certification. Cette certification atteste que le système de gestion de la sécurité de l’information de la BVMT répond aux plus strictes normes internationales. De leur côté, les intermédiaires en Bourse ont également mis le paquet.
Aujourd’hui, ils disposent tous de plateformes de trading qui permettent à leurs clients d’accéder en temps réel à leurs comptes et à réaliser des transactions d’achat et de vente. Ces investissements, réalisés dans un contexte économique extrêmement difficile, sont indispensables afin d’augmenter l’attractivité de la Place.
… Pour une activité en berne
En même temps, la dynamique boursière est quasiment au point mort. Avec le recul net des IPO et des volumes, aussi bien le top que le bottom line des intermédiaires et de la BVMT battent de l’aile.
Pour cela, il suffit de jeter un coup d’œil sur l’évolution de leurs principaux indicateurs d’activité. Les derniers chiffres disponibles sont ceux de 2015 qui montrent que huit intermédiaires en Bourse sont déficitaires de 3,622 MTND. Nous ne disposons pas des chiffres 2016, mais nous pouvons confirmer qu’ils sont également dans le rouge. Nous pouvons conclure cela à partir des statistiques plus récentes de la BVMT.
Comme nous pouvons le constater, l’activité est clairement sur une tendance baissière, traduisant les difficultés des brokers qui n’ont pas encore vu le retour sur leurs investissements technologiques. Idem pour la BVMT qui a dû supporter un coût élevé pour acquérir une plateforme de premier rang sans qu’elle puisse la rentabiliser.
La réglementation est au cœur de la solution
Une meilleure utilisation de cette plateforme passe, à notre avis, par deux axes.
Primo, il faut travailler davantage sur la promotion de l’investissement en Bourse. Là, c’est le rôle de tous les intervenants, essentiellement les intermédiaires. Néanmoins, cela nécessite des moyens qu’ils ne sont plus capables de supporter en raison de la faible activité. C’est un vrai cercle vicieux que la réglementation pourrait particulièrement aider à débloquer en accordant plus d’avantages à l’investissement en Bourse dans le cadre des Comptes Epargne Actions ou d’autres formes d’investissement à moyen et long terme.
Secundo, à quoi servira une telle technologie si les intervenants institutionnels sur le marché n’ont pas la possibilité de se couvrir contre les risques, via les produits dérivés, et ne peuvent pas vendre à découvert ? D’ailleurs, la Tunisie ne sera jamais une Place financière régionale si ces produits ne sont pas introduits.
Tertio, il convient d’institutionnaliser un peu plus le marché actions. Aujourd’hui, ce sont les investisseurs individuels qui l’animent. Sur la période allant du 1er janvier au 18 septembre 2017, ils ont contribué à hauteur de 60% des achats (soit 394,212 MTND) et de 56% des ventes (soit 367,077 MTND). Cette catégorie d’investisseurs n’a certainement pas besoin d’une technologie de pointe pour intervenir sur le marché, ce qui rend l’outil actuel surdimensionné par rapport aux besoins réels.
Certainement, théoriser reste simple à faire, mais le plus difficile est d’appliquer ce que nous disons. Le chemin est encore long. Entre-temps, l’industrie de brokerage est en train de suffoquer.