L’entreprise sociale s’est imposée comme une nouvelle formule de réussite, combinant la recherche de profit et l’objectif de créer un impact social sur son environnement. En Tunisie, le phénomène commence à gagner du terrain côté entrepreneurs et investisseurs. Une entrevue entre Marouane EL ABASSI, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie et Leila CHARFI, partnerships director à Impact Partner s’est tenue le vendredi 27 juillet 2018 au siège de la BCT.
L’entrevue a été consacrée essentiellement à la présentation des activités du Fonds Impact Partner, membre du prestigieux groupe Allemand “Yunus Social Business Global Initiatives”, leader mondial dans la création d’entreprises sociales, et cofondé en 2001 par le légendaire “banquier des pauvres”, Muhammad Yunus, fondateur de la première institution de microcrédit, la Grameen Bank, lui valant le Prix Nobel de la Paix en 2006.
Une note de recherche publiée en 2010 par J.P. Morgan Global Research, fruit d’une collaboration avec la Rockefeller Foundation, en partenariat avec le Global Impact Investment Network, affirme que l’Impact Investing constitue une nouvelle classe d’actifs. Il a gagné du terrain auprès d’un large éventail d’investisseurs, notamment des institutions financières de grande envergure. L’analyse montre que les investisseurs ont de grandes attentes quant aux rendements financiers de l’Impact Investing. Après avoir analysé cinq secteurs d’activité (logement urbain, accès à l’eau potable, santé, éducation primaire et microfinance), les auteurs ont identifié une opportunité de 667 milliards de dollars et une possibilité d’investissement entre 400 milliards et 1 billion de dollars durant la prochaine décennie, pour seulement ces segments de marché. En Afrique, l’industrie affiche une montée en puissance ces 5 dernières années.
L’impact investing se situe entre l’investissement classique et la philanthropie, nous avait précisé Leila Charfi, lors d’une interview accordée au Manager au mois de juin dernier. L’authenticité de ce modèle d’entrepreneuriat juxtapose deux paramètres souvent placés à l’opposé l’un de l’autre: la rentabilité financière, afin d’assurer la viabilité du projet, et la création d’un impact positif sur la société au-delà du simple critère économique. Impact Partner c’est d’un côté l’ambition d’amener l’entrepreneuriat classique à développer des projets qui ont un impact social. De l’autre, c’est d’encourager les projets associatifs à se restructurer pour devenir viables.
Opérant dans l’accompagnement et le financement d’entreprises sociales à travers un fonds d’amorçage, créé en partenariat avec UGFS-NA, Impact Partner a remodelé depuis près d’un an et demi, sa stratégie, son offre d’investissement, et ses programmes, pour s’orienter vers l’entrepreneuriat social créateur d’emploi, notamment pour les jeunes et les femmes. Partant de la conviction que le chômage est le plus grand fléau social gangrénant le pays, être l’un des maillons de la solution est le pari audacieux que s’est fixé l’équipe d’Impact Partner. Pour mener à bien cette noble mission, le financement cible les PME de tous secteurs d’activités ayant un grand potentiel de création d’emplois, directs ou indirects. Prenant à bras-le-corps la question du gap entre les chercheurs d’emploi et le marché du travail, Impact Partner s’intéresse également aux PME qui opèrent dans la formation et la reconversion professionnelle. L’économie collaborative et l’économie du savoir sont ainsi les deux fers de lance des programmes de financement. “On s’intéresse surtout à la création d’emploi indirect, des PME travaillant avec des prestataires et des services de proximité, notamment les fournisseurs de services indépendants et les micro-entrepreneurs. Car quand elles se développent, elles ont le potentiel de démultiplier la création d’emploi. On favorise les modèles à la Uber.” nous avait témoigné Leila Charfi.
D’un autre côté, l’impact investing soulève nécessairement la question de l’évaluation, notamment du côté des investisseurs. A ce niveau, Impact Partner a mis en place un système bien rodé qui, jusque-là, a permis de dépasser de 10 à 15 fois la moyenne nationale de création d’emploi pour 10 000 dinars investis. La moyenne nationale étant de 0.2 emploi nous informe Leila Charfi. Les critères de mesure ont de quoi appâter plus d’un puisque pour chaque 10 000 dinars investis, il faut qu’il y ait au moins entre deux et trois créations d’emploi. “En général nous offrons des tickets de 150 000 dinars. Donc dans les trois prochaines années, on vise d’atteindre au moins 30 créations d’emploi”. Autre fait marquant, la qualité n’est pas laissée-pour-compte ! “Quand on parle de création d’emploi, on parle d’au moins 500 dinars net par mois ou de génération de revenus d’au moins 500 dinars net par mois” témoigne Leila Charfi. Quant aux entreprises qui sont dans la formation, il faut qu’il y ait 450 personnes formées dans les 3 ans à venir.
Preuves à l’appui de ces belles réalisations sont portées sous nos yeux lorsque l’on regarde fleurir des projets tels que SmartWash, le lavage automobile utilisant 1 litre d’eau pour laver une voiture et développant autour d’eux une communauté de travailleurs indépendants: les “clearners”. Ou encore CampMars, ou comment un projet de campement dans le désert a permis la création de mini-campements pour fournir à la population locale des opportunités d’affaires, tout en leur apprenant à offrir un service de haute qualité. Voilà de quoi dorer le blason de l’Impact Investing en Tunisie et annoncer un avenir haut en couleur.
Impact Partner fait également le plein de projets. L’organisation se positionne davantage en tant que fonds d’investissement et lance des programmes aidant les entrepreneurs à structurer leurs idées d’entreprise. L’économie du savoir sera à l’honneur à travers la création du premier co-learning space. “Ce projet est destiné à aider les formateurs à se faire connaître, à créer et délivrer des formations dans tous les domaines. C’est un lieu pour développer et transmettre ses connaissances, une véritable maison du savoir” nous avait témoigné Leila Charfi.